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Résiliation anticipée d’un droit de superficie : la théorie de la mutation apparente condamnée

L’on sait que l’acquisition d’un immeuble moyennant le recours à un démembrement du droit de propriété s’avère, sous certaines conditions, fiscalement avantageuse.

Il en est notamment ainsi de la constitution d’un droit de superficie qui est, pour la perception des droits d’enregistrements, assimilée à un contrat de bail et donc assujettie à des droits d’enregistrement de 0,2% calculés sur le montant cumulé des redevances et charges imposées au superficiaire pendant la durée du droit.

A l’extinction du droit de superficie, seul le droit fixe est dû.

En cas de résiliation anticipée, l’administration fiscale tente parfois de soutenir que la convention par laquelle il est constaté que les parties mettent fin anticipativement à un droit de superficie donne lieu à la perception de droits d’enregistrement au taux de 12,5% lorsqu’une indemnité est payée par le propriétaire du fonds au superficiaire en compensation de sa renonciation (anticipée) au droit d’utiliser les bâtiments construits.

Telle est la thèse que le fisc avait soutenue dans une espèce où l’administration avait constaté que les parties avaient expressément prévu dans le contrat de superficie qu’à l’expiration du contrat, le propriétaire du terrain ne serait redevable d’aucune indemnité au superficiaire pour les bâtiments que ce dernier aurait construit sur le terrain.

Selon le fisc, en dérogeant aux dispositions contractuelles, la résiliation anticipée du contrat de superficie impliquait un transfert du droit de propriété de l’immeuble construit au sens de l’article 44 du Code des droits d’enregistrement en sorte que des droits d’enregistrement au taux de 12,5% étaient dus sur le montant de l’indemnité considérée par l’administration comme le prix de vente des constructions érigées par le superficiaire.

Le propriétaire du fond avait objecté que le transfert de propriété des constructions ne trouvait pas sa cause dans la convention des parties mais dans la loi : la renonciation par les parties au droit de superficie a pour effet d’éteindre le droit de superficie avec la conséquence que la propriété des constructions passe au tréfoncier (propriétaire du fond) par le mécanisme légal de l’accession.

A bout d’argument, l’administration fiscale s’est alors prévalu de la « théorie de la mutation apparente » pour démontrer le caractère translatif de propriété qu’emportait selon elle la résiliation anticipée du contrat de superficie.

Selon l’administration, lorsque les parties à un acte modifient la situation juridique résultant de cet acte par un autre acte qui entraîne un changement dans la propriété des biens, l’administration serait alors fondée a y voir, non pas un acte purement déclaratif de droits antérieurs mais une nouvelle convention emportant une transmission de propriété. L’administration considérait qu’il y avait mutation apparente puisque l’opération avait eu pour effet que les constructions qui appartenaient antérieurement au superficiaire étaient devenues la propriété du tréfoncier.

La cour d’appel de Bruxelles a, à juste titre, réfuté l’argumentation du fisc (arrêt non publié du 05.10.2007). La cour dit pour droit qu’elle n’aperçoit pas en quoi la théorie de la mutation apparente pourrait conférer un quelconque fondement à la perception du droit d’enregistrement de 12,5% sur l’indemnité convenue dans l’acte de résiliation anticipée du droit de superficie. La cour constate en effet que le transfert de propriété trouve sa cause dans la loi, par l’effet de l’accession, suite à la renonciation au droit de superficie.

L’indemnité perçue par le superficiaire est analysée, en raison des circonstances propres à l’espèce, non comme le prix des constructions érigées par lui mais comme la juste l’indemnisation de la perte anticipée de son droit d’utiliser les immeubles qui faisaient l’objet du contrat de superficie. Ce droit a effet une valeur économique en contrepartie de laquelle une indemnité peut être versée.

L’on constate donc que l’acquisition immobilière par le biais d’un démembrement du droit de propriété a encore de beaux jours devant elle pour autant que les conventions conclues par les parties ne soient ni simulées ni sujettes à une requalification. L’on se souviendra en effet que, suivant l’enseignement classique de la Cour de cassation, le contribuable peut, en vue de bénéficier d’un régime fiscal plus favorable et en faisant usage de la liberté des conventions, accomplir tous les actes juridiques qui ne violent aucune obligation légale et dont il accepte toutes les conséquences juridiques –tant civiles que fiscales- sans que la forme de ces actes juridiques doive être la plus normale.

Sylvie LEYDER

Thème : L'immobilier

Auteur : Sylvie Leyder

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