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Le transfert d’entreprises en Région wallonne : comment diminuer les droits de succession

De manière générale, et en Région wallonne en particulier, quelques mesures spectaculaires ont été annoncées à grands fracas dans la presse. L’une d’elles est la baisse des droits de succession sur la transmission d’entreprises familiales.

Faut-il entendre que dès lors qu’une entreprise familiale se trouve dans le patrimoine d’une personne dont la succession est soumise au droit belge, la transmission de cette entreprise se fera sans coût fiscal ?

Pas nécessairement.

En Région wallonne et en Région flamande, les droits de succession sur les entreprises familiales ont été réduits à 0 % ; ils sont de 3 % en Région de Bruxelles-Capitale. Cependant, pour pouvoir bénéficier de ce taux, une impressionnante série de conditions doivent être remplies et maintenues plusieurs années après le décès.

Les biens pouvant être exonérés des droits de succession sont les titres d’une société familiale dont le siège est situé, selon les cas, en Région flamande, en Région wallonne, ou en Région de Bruxelles-Capitale. Il s’agit également, à certaines conditions et dans une certaine mesure, des créances détenues par le défunt à l’égard de son entreprise.

Les sociétés immobilières et les sociétés patrimoniales pures sont exclues de l’application du taux réduit.

L’entreprise doit être pourvoyeuse d’emplois, à des degrés divers ; ainsi, en Flandre, il faut employer au moins cinq travailleurs à temps plein ; en Wallonie, un seul travailleur, même employé à mi-temps, suffit, et il en va de même à Bruxelles.

L’entreprise doit également être « familiale » : chaque région définit le pourcentage de titres que devait posséder le défunt pour qu’elle puisse être considérée comme telle (25 % à Bruxelles, 10 % en Wallonie, 50 % en Flandre).

Les « titres » visés peuvent être tout type de titres généralement quelconques, mais également, des certificats.

Les « créances » doivent s’entendre comme des prêts d’argent consentis par le défunt à la société.

Est-ce à dire que le défunt, soucieux de préserver le patrimoine de la génération future, pourrait transférer toutes ses liquidités sous forme de prêt à sa société, dans le but d’exonérer l’ensemble de ces sommes de droits de succession ? Tel n’est pas le cas : différentes limites sont prévues.

Certaines de ces limites sont objectives, en ce qu’elles font référence à l’actif net de la société. Il n’est pas question de sous-capitaliser la société, en ne lui donnant les moyens de fonctionner que par l’intermédiaire de prêts, dans le but de bénéficier de l’exonération : les créances qui seront soumises au taux de 0 % ne peuvent représenter qu’une certaine proportion de l’actif net de la société.

D’autres limites sont moins objectives, et donc plus contestables : ainsi, la Région wallonne et la Région flamande exigent que les prêts d’argent consentis à la société par le défunt aient été nécessités par les besoins de l’activité économique ou correspondent à des besoins financiers et économiques justifiés. Ce concept, véritable boite de Pandore, est loin d’offrir au résident belge soucieux de préserver le futur patrimoine de ses enfants, la sécurité juridique qu’il est en droit d’attendre. Il est au contraire susceptible de remettre en question la planification successorale mise en place.

La Région wallonne et la Région flamande prévoient en outre que le taux préférentiel ne pourra être appliqué que sur la « valeur de part nette » des titres de l’entreprise ainsi transférés.

Cette disposition peut avoir des effets pervers : ainsi, le taux de 0 % ne sera appliqué que sur la valeur de l’ensemble des actions ou créances, « diminuée des dettes et des frais funéraires ».

Cette simple phrase a pour effet que le bénéfice de l’application du taux de 0 % peut avoir des effets tout à fait contraires à ceux attendus, si le défunt était également titulaire de dettes importantes, qui se retrouvent, à son décès, dans le passif successoral.

En effet, ce sont toutes les dettes du défunt, comprises dans l’ensemble de sa succession, qui vont être imputées sur la valeur des actions ou des créances, et seul le solde sera soumis au taux réduit.

Mais cela signifie également que ces mêmes dettes, qui normalement auraient diminué la valeur de l’actif successoral et donc de la base taxable aux droits de succession normaux (lesquels sont particulièrement élevés), ne pourront plus remplir cet usage.

Dans le cadre d’une planification successorale, il est donc primordial de considérer également les dettes, car à défaut, la transmission d’entreprises au taux réduit par voie de succession pourrait avoir comme effet que le bénéfice de l’application du taux réduit serait « absorbé » par la déduction des dettes du défunt, tandis que les autres avoirs successoraux deviendraient taxables pour le tout, car les dettes du défunt n’en seraient plus déductibles.

Il s’agit donc d’une importante analyse coût/bénéfice à effectuer dans le cadre de ce type d’opérations.

Enfin, et c’est un point qui ne doit certainement pas être négligé, l’application du taux réduit suppose, dans les trois régions, une importante paperasserie, dont il convient de retenir avant tout qu’un formulaire spécifique doit être remis au receveur compétent, pour demander l’application du droit réduit, au plus tard en même temps que la déclaration de succession.

Il s’agit donc, certes, d’une mesure intéressante, et qui peut dans certains cas donner de bons résultats, mais qui ne peut être utilisée sans prêter attention au nombreuses limites et conditions prévues par chacune des Régions.

Auteur : Severine Segier

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