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La nouvelle disposition « anti-abus » applicable aux plus-values « internes » réalisées dans le cadre d’un apport à une société holding : un an après… (Première partie)

Nous avons déjà commenté, à plusieurs reprises, l’évolution de la jurisprudence administrative et judiciaire belge en matière de plus-value de cession dite « interne ».

Pour rappel, l’on parle d’une telle cession dite « interne », lorsque le contribuable cède, ou apporte, les actions d’une société « opérationnelle » qu’il contrôle à une société « holding », belge ou étrangère (le plus souvent, une société luxembourgeoise), qu’il contrôle également.

L’opération prend place à la valeur « de marché » (valeur vénale) des actions apportées ou cédées, soit approximativement la valeur de constitution ou d’acquisition des actions de la société opérationnelle, augmentée des réserves accumulées par la société en cours de vie sociale. Ces réserves, accumulées dans la société opérationnelles devenue filiale, «remontent» ensuite dans la société holding, sous la forme d’un dividende distribué.

Dans la mesure où ces dividendes peuvent bénéficier, à la source, d’une exonération du précompte mobilier (régime « Mère-Filiale »), et à la sortie, de la déduction « RDT » (holding de droit belge) ou du « privilège d'affiliation » (holding luxembourgeois), cette « remontée » n’engendre que peu (régime belge) voire pas (régime luxembourgeois) d’impôt.

Si l’opération prend place par la voie d’une cession à la holding, le contribuable cessionnaire dégage immédiatement, ou à terme, mais directement, des liquidités (et bénéficie de ce fait de l’attribution des réserves de la société opérationnelle) par le paiement du prix de vente des actions.

Lorsque l’opération prend place par le biais d’un apport, il lui faudra réduire le capital de la holding pour profiter des mêmes liquidités. En droit belge, cette réduction de capital devrait s’imputer sur du «capital réellement libéré» à concurrence de la valeur d’apport des actions de la société opérationnelle (valeur de marché), et être en conséquence exonérée d’impôt.

En droit belge désormais, depuis le 1er janvier 2018, une telle réduction de capital, si elle s'effectue en présence de réserves dans la société holding, est imposable au titre de dividende, pour une certaine proportion des réserves de la société holding, ceci même en présence d’un capital libéré important. Cette nouvelle règle implique l’imposition sur le dividende dans l'Etat de la résidence, au taux actuel de 30%. Tel régime était déjà organisé comme tel en droit luxembourgeois, avec la particularité que la taxation en Belgique du dividende net se voit accrue d’une retenue à la source au Luxembourg (au titre d’Etat de la source du dividende), au taux de 15%.

Que l’intégration dans la société holding intervienne par la voie d’un apport ou d’une cession, l’opération profite évidemment au patrimoine privé du contribuable actionnaire, mais tel n’et pas obligatoirement, ou uniquement, la motivation de sa mise en place (l’on peut penser en effet à l’actionnaire de contrôle d’une société qui souhaite organisation sa succession au profit d’enfants ne s’entendant pas, ou organiser le passage à la génération future sans se retirer immédiatement des affaires, etc).

Evidemment, l’opération n’a d’intérêt que si elle n’implique pas, outre les effets de sa mise en place, et la multiplication des structures qu’elle induit, une taxation immédiate des réserves accumulées de la société opérationnelle, sous la forme d’une « plus-value » de cession ou d’apport, dans le chef de l’actionnaire.

Entendant empêcher ce qu’il nommait à l’époque être une « technique d'évitement », le gouvernement avait annoncé, en octobre 2016, qu’il entreprendrait d’organiser cette lutte en 2 étapes.

En 2016, l'administration fiscale a procédé à une « action de contrôle ciblée » visant les opérations de cession « interne » mises en place avant le 1er janvier 2017, avec pour fondement la disposition générale « anti-abus » contenue sous l'article 344, § 1, CIR92.

Dans le cadre de tels contrôles, l’administration fiscale a souvent considéré a priori que l'opération de « cession interne » peut de facto être considérée comme étant en soit abusive. Telle appréciation est infondée. Elle ne pourrait être admise que si l’opération de « cession interne » est inspirée par des motifs purement fiscaux. A la suite des contrôles, des taxations ont été dans la plupart des cas établies, et il reviendra aux contribuables concernés d’invoquer, devant le tribunal fiscal, les circonstances concrètes de mise en place de l'opération, ainsi que sa motivation intrinsèque, afin d’obtenir l’annulation ou le dégrèvement des impositions contestées.

Le gouvernement a également intégré dans le CIR92, avec effet au 1er janvier 2017, une nouvelle disposition « anti-abus » dont il découle que les actions ou parts apportées dans une société holding ne sont désormais plus considérées comme constituant du « capital réellement libéré », sauf à concurrence de la valeur d'acquisition que ces actions ou parts (objet de l'apport) avaient dans le chef de l'auteur de l'apport. Cette mesure organise ainsi, sur le plan fiscal, la neutralité de l’apport, à l’instar de ce qu’il se passe dans le cadre d’opérations de restructuration immunisées...

La partie de la valeur d'apport qui excède cette valeur d'acquisition « originelle » est considérée comme une « réserve taxée » et sa distribution, à l'occasion d'une réduction capital ou d'une liquidation de la société holding, est assimilée à un dividende, et devra faire l'objet de la retenue à la source du précompte mobilier (au taux de 30%). La mesure nouvelle ne vise que les apports effectués à compter du 1er janvier 2017. Elle intègre cependant dans son champ d’application tant les apports effectués au profit d’une société holding belge que ceux réalisés au profit d’une société holding étrangère…

Du fait de ces 2 réformes successives, intervenues en 2017 et 2018, l’apport des actions d’une société opérationnelle au capital d’une société holding, même sans objectif fiscal (prépondérant), ne se rencontre plus guère…

Nous reviendrons dans un autre article sur les ventes d’actions qui n’ont pas été visées par les réformes évoquées.

Auteur : Melanie Daube

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