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Des avocats vont-ils dénoncer leurs clients?

Une directive, qui étend encore la portée de la législation européenne anti-blanchiment a été approuvée récemment.

Dans son état actuel, cette législation oblige un certain nombre de professionnels à l'origine les banques et autres organismes financiers, puis les casinos et les agents immobiliers, mais aussi des personnes soumises au secret professionnel, comme les notaires, les experts-comptables et les reviseurs d'entreprise, à révéler à un organisme administratif, la cellule de traitement des informations financières (CETIF) des soupçons de blanchiment dont ils auraient connaissance dans l'exercice de leur activité.

D'après les rapports de la CETIF, environ 50.000 dénonciations ont ainsi été adressées à cet organisme, ce qui a abouti à 350 condamnations pénales du chef de blanchiment. En clair, cela veut dire que dans 99,3% des cas, les dénonciations ne se justifient finalement pas.

La portée de la nouvelle directive est notamment d'obliger également les avocats à dénoncer des soupçons de blanchiment, dans le cadre de certaines activités limitées. Ce type de législation, quelle que soit la profession à laquelle il s'adresse, pose d'abord la question d'ordre général, de savoir s'il est légitime, d'obliger une personne privée à devenir collaborateur de l'Etat dans le cadre de l'application de la loi, et, très concrètement l'exercice des pouvoirs de police.

Plus particulièrement, ce qui est exigé ici de personnes privées, et notamment de personnes soumises à un devoir de secret professionnel, c'est purement et simplement la délation.

Les activités pour lesquelles les avocats seront soumis à la directive sont limitées. Elles portent sur les cas où ils interviennent dans des opérations liées à l'achat ou à la vente de biens immeubles ou d'entreprises commerciales, la gestion de fonds, de titres ou d'autres actifs de leurs clients, l'ouverture ou la gestion de comptes bancaires ou d'épargne ou de portefeuilles, l'organisation de la constitution, de la gestion ou de la direction de sociétés, ou encore la gestion de fiducies ou de structures similaires.

On pourrait comprendre, éventuellement, que les avocats intervenant à titre personnel, par exemple comme administrateurs de sociétés, comme trustees, ou fiduciaires soient soumis à de telles obligations, parce qu'il s'agit-là d'activités extérieures à la profession d'avocat.

Mais en réalité, l'objet de la directive vise les avocats lorsqu'ils assistent leurs clients en qualité de conseillers, alors que cela relève manifestement de leur mission de défense des droits de leurs clients. C'est donc l'activité de consultation qui est visée.

Il est vrai aussi que la directive prévoit, à titre d'exception facultative, que les Etats membres peuvent déroger à l'obligation de dénonciation " pour ce qui concerne les informations reçues d'un de leurs clients ou obtenues sur un de leurs clients, lors de l'évaluation de la situation juridique de ce client ou de l'exercice de leur mission de défense ou de représentation de ce client dans une procédure judiciaire ou concernant une telle procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d'engager ou d'éviter une procédure, que ces informations soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure ".

Cette exception permettra certes, dans beaucoup de cas, aux avocats d'échapper à l'obligation de dénonciation, dès lors que leur avis est demandé à propos d'une procédure, et ce même avant que celle-ci ait été engagée, ou encore à propos d'une simple évaluation juridique de la situation de leur client, à supposer que l'Etat fasse usage de cette dérogation.

Mais une fois qu'il est porté atteinte au principe du secret professionnel, le client de l'avocat ne saura jamais si son conseil acceptera de considérer que cette exception est applicable. Cette directive aura sans doute - et il faut l'espérer - peu d'applications concrètes, mais par le seul fait qu'elle porte atteinte, dans le principe, à la confidentialité de la relation entre l'avocat et son client, elle est nuisible aux droits de la défense, et par conséquent, à la justice elle-même.

Thierry AFSCHRIFT

Auteur : Thierry Afschrift

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