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Entrée en vigueur de la Loi du 21 juillet 2016

Entrée en vigueur de la Loi du 21 juillet 2016 « visant à instaurer un système permanent de régularisation fiscale et sociale » - La procédure de « DLUquater » est en vigueur, mais ses contours restent imprécis.

La loi instaurant la nouvelle procédure de régularisation fiscale vient – enfin – d’être adoptée et publiée, et est entrée en vigueur à la date du 1er août 2016.

L’on se souviendra que le projet de loi avait fait l’objet de dissensions entre le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux. Depuis 2015 en effet, certaines matières relevant de l’impôt sur le revenu et l’entièreté de la matière des droits de succession sont régionalisées. De ce fait, le Conseil d’Etat a considéré, dans ses premier avis, que les gouvernements régionaux devraient être associés à la discussion sur le projet de loi visant à instaurer une nouvelle procédure de régularisation fiscale, pour ce qui concerne les aspects du projet qui concernent les impôts dont la compétence est attribuée aux régions.

Si la loi est à présent votée, ces problèmes de compétences n’ont cependant pas totalement disparu. L’on trouve un « début de solution » sous l’article 18 de la loi nouvelle, qui précise que « La régularisation d'un impôt régional dont l'autorité fédérale assure le service n'est possible que lorsqu'un accord de coopération est conclu avec la région concernée ». </>On sait que la Région wallonne, et la Région de Bruxelles-capitale, sont opposées à la nouvelle mesure de régularisation, principalement en raison de son caractère permanent (ceci, en dépit du fait que le coût de la mise en place d’une telle régularisation augmente avec le temps). La Région flamande ne s’y est par contre pas montrée hostile.

Aucun accord régional n’est encore envisagé entre les autorités fédérales et les autorités régionales wallonnes ou bruxelloises. Aucun accord n’est encore conclu avec la Région flamande. A ce stade donc, il n’est pas permis de procéder à une régularisation de droits de succession non prescrits. L’opportunité sera en conséquence limitée à la régularisation de l’impôt sur le revenu, voire la TVA, éludé(e)(s) par le passé.

A supposer qu’un contribuable « repentant », non visé par une problématique de droits de succession non prescrits fiscalement, souhaite introduire une procédure de régularisation fiscale telle qu’organisée par la loi du 21 juillet 2016, encore faut-il s’entendre sur l’ampleur de cette régularisation, et le coût de celle-ci.

En toute logique, dans la plupart des situations factuelles, les revenus perçus, et non imposés, au cours des 7 dernières années (ce qui correspond au délai étendu de taxation, applicable en présence de revenus non déclarés) devront être régularisés. L’on imagine que ces revenus seront à régulariser qu’ils aient été perçus directement ou par l’intermédiaire de ce que l’on nomme aujourd’hui une « construction juridique » (qu’il s’agisse d’un trust ou d’une société du type off shore).

La nature des revenus perçus et non déclarés déterminera le coût de la régularisation.

S’il s’agit de revenus mobiliers d’origine étrangère, ils seront soumis au taux d’imposition distinct applicable à l’origine (dans l’hypothèse d’une déclaration spontanée dans la déclaration fiscale relative à l’année de revenus concernée), soit 15%, 21% ou 25%, selon le cas, pour les intérêts, et 25%, pour les dividendes. Ce taux sera augmenté d’une pénalité, s’élevant à 20 points pour une procédure mise en place en 2016. Soit un taux moyen applicable aux revenus mobiliers d’origine étrangère de 45%.

Si la procédure est mise en œuvre ultérieurement, le taux d’imposition restera inchangé (sauf pour l’année de revenus 2016, pour laquelle le taux est relevé à 27%), mais la pénalité sera plus élevée : 22 points en 2017, 23 points en 2018, 24 points en 2019 et 25 points à partir de 2020.

Aucune déduction de quelque nature que ce soit n’est admissible, de sorte que le revenu à régulariser semble être le revenu brut. L’on peut s’étonner de ce fait : en effet, l’impôt des personnes physiques frappe en principe les montants nets correspondant aux 4 catégories de revenus (les revenus immobiliers, les revenus mobiliers, les revenus professionnels et les revenus divers). Il devrait en conséquence paraître légitime de pouvoir déduire, dans le cadre d’une régularisation fiscale, les éléments qui seraient déductibles en présence d’une déclaration spontanée.

Si le contribuable a perçu des revenus professionnels non déclarés, ceux-ci seront soumis au taux d’imposition progressif par tranche de l’impôt des personnes physiques, majoré de 20 points, pour une procédure mise en place en 2016 (22 points en 2017, 23 points en 2018, 24 points en 2019 et 25 points à partir de 2020). La taxe communale additionnelle, la taxe d’agglomération (Bruxelles) et la cotisation complémentaire de crise s’y appliqueront également.

L’on peut réfléchir de la même manière en présence de revenus immobiliers d’origine étrangère, ou de revenus divers non déclarés. La procédure implique que ces revenus se voient appliquer leur régime normal d’imposition, majoré d’une pénalité augmentée d’année en année.

Le traitement des « capitaux fiscalement prescrits » pose quant à lui des questions non résolues au cours des dernières discussions ayant précédé l’adoption du texte de loi, bien au contraire.

Le texte prévoit désormais, en son article 11, que :

« Le déclarant doit démontrerdans sa déclaration, au moyen d'une preuve écrite, complétée le cas échéant par d'autres moyens de preuve tirés du droit commun, à l'exception du serment et de la preuve par témoins, que les revenus, les sommes, les opérations T.V.A. et les capitaux fiscalement prescrits, ont été soumis à leur régime fiscal ordinaire."

Sous réserve des alinéas 3 et 4, les revenus, les sommes, les opérations T.V.A. et les capitaux fiscalement prescrits, ou bien la partie de ceux-ci, dont le déclarant ne peut démontrer qu'ils ont été soumis à leur régime fiscal ordinaire de la manière prévue à l'alinéa premier, doivent être régularisés ».</i>

Il s’en déduit que si le déclarant ne peut démontrer l’origine de son capital, et le fait que ce capital a subi son régime fiscal, alors ce capital devra être soumis au prélèvement de 36% (en 2016 ; 37% en 2017, 38% en 2018, 39% en 2019 et 40% à partir de 2020).

Quelles preuves devra t’il fournir ? Le texte de loi n’est pas très explicite à cet égard, ni quant au degré de certitude à apporter. L’on trouve cependant une illustration de ce que sera sans aucun doute la position de l’administration fiscale face aux justifications disponibles, dans le Rapport au Roi précédant le texte nouveau :

« Un exemple de clarifier : en 2000, un enfant hérite d’une somme de son père. L’héritier paye en bonne et due forme les droits de succession et présente maintenant la preuve écrite de cela. Puis il investit ce capital hérité au Luxembourg. Les revenus mobiliers n’ont ensuite pas été déclarés. Dans son chef, le capital n’est pas contaminé, par contre, les revenus qui en découlent le sont effectivement. La capitalisation des revenus mobiliers fait en sorte que le capital initialement blanc est devenu au fil des années du capital gris. L’héritier doit maintenant déterminer la couleur exacte du capital avant la capitalisation au moyen de preuves écrites. S’il ne peut le faire, alors le capital est considéré comme étant complètement contaminé, et celui-ci devra aussi être régularisé. La charge de la preuve et le risque de ne pas pouvoir prouver la couleur entraînant la régularisation des revenus, capitaux et opérations TVA ne peut pas être imputée au gouvernement ».

Le capital détenu par l’intermédiaire de « constructions juridiques » ou de « contrats d’assurance vie » donne lieu au prélèvement sur le capital. Le texte le prévoit explicitement.

De quel capital s’agit-il ? L’on pourrait imaginer qu’il s’agisse, en 2016, du capital préexistant au 31 décembre 2008, puisque c’est à cette date que doivent s’arrêter les pouvoirs d’investigation de l’administration fiscale (période non « prescrite » fiscalement).

Cependant, depuis son dernier amendement, le texte de loi précise désormais que :

« Les montants visés à l'alinéa 2 ne sont régularisés que pour autant que le déclarant démontre, au moyen d'une preuve écrite, complétée le cas échéant par d'autres moyens de preuve tirés du droit commun, à l'exception du serment et de la preuve par témoins, la nature de l'impôt et la catégorie fiscale et la période à laquelle appartiennent les revenus, les sommes, les opérations T.V.A. et les capitaux fiscalement prescrits qui n'ont pas été soumis à leur régime fiscal ordinaire ».

Cet alinéa, qui n’a encore fait l’objet d’aucun commentaire, semble vouloir signifier que si le déclarant souhaite subir la taxation sur le capital fiscalement prescrit, il ne le pourrait qu’après avoir démontré, preuve écrite à l’appui, le type de « fraude » commise par lui (par exemple, prouver qu’il s’agit de revenus professionnels perçus par le passé et qui n’auraient pas été déclarés alors qu’ils le devaient).

Cette limitation n’a pas beaucoup de sens dans la mesure où la législation précise que celui qui ne peut prouver l’origine taxée ou non taxable de son capital doit le régulariser…

Est-ce à dire que la régularisation serait de ce fait purement et simplement refusée au contribuable, si après avoir constaté qu’il doit régulariser son capital, par exemple parce qu’il n’a plus de preuve disponible de l’origine des fonds, de leur caractère taxé ou non taxable, il ne pourrait justement plus prouver l’origine précise de la « fraude » présumée ?

Il faut sans doute lire cette nouvelle exigence au regard du dernier alinéa de l’article 11 de la loi nouvelle, qui précise que :

« Les montants régularisés en application de l'alinéa 3 ne font l'objet d'une régularisation que pour les impôts fédéraux et les impôts régionaux dont l'autorité fédérale assure le service et pour lesquels un accord de coopération visé à l'article 18 est conclu ».

Sans doute les auteurs de l’amendement ont-ils souhaité éviter qu’une personne qui tient son capital d’une succession non déclarée, prescrite fiscalement, accepte de régulariser son capital à l’impôt des personnes physiques, en appliquant « simplement » et sans autre explication, le prélèvement de 36% sur une « base imposable » arrêtée au 31 décembre 2008 (procédure mise en place en 2016, par hypothèse).

Mais si telle est réellement l’intention du législateur, l’on peut sérieusement douter de l’efficacité de la mesure, puisque cette origine « successorale » du capital est présente dans bien des cas d’espèce.

La loi organise également la régularisation en matière de TVA et de cotisations sociales.

Moyennant la régularisation des revenus, et des capitaux fiscalement prescrits, une immunité pénale pourra, sous certaines conditions et sous réserve de certaines exceptions (article 10 de la loi nouvelle), être acquise au déclarant, et viendra compléter l’immunité fiscale liée à la régularisation.

Il faut rappeler à cet égard que s’il n’ y as pas régularisation des « capitaux fiscalement prescrits », aucune immunité pénale ne pourra être acquise au déclarant, pour ces capitaux, et toute banque belge invoquera probablement un risque de blanchiment (art. 505 du Code pénal) afin de refuser de recueillir les fonds existant et détenus à l’étranger (sauf l’hypothèse de capitaux fiscalement « prescrits » recueillis légitimement en exonération de toute imposition).

La procédure sera inopérante, notamment, si, avant l'introduction de la déclaration-régularisation, le déclarant a été informé par écrit d'actes d'investigation spécifiques en cours par une instance judiciaire belge, par une administration fiscale belge, une institution de sécurité sociale ou un service d'inspection sociale belge ou le SPF Economie. Une procédure fiscale (portant en principe sur des revenus de même nature que ceux soumis à régularisation) ou une procédure répressive préalables feront en conséquence perdre toute utilité à la procédure de régularisation que le déclarant voudrait introduire !

Longtemps attendue, sans cesse annoncée, la nouvelle législation instaurant une procédure de régularisation fiscale reste vague sur certains points, et apparaît même contradictoire, sur d’autres aspects.

L’on ne peut en conséquence que conseiller à tout contribuable qui souhaiterait y avoir recours d’examiner, avec son conseil, la situation factuelle concernée, afin d’évaluer l’ampleur que doit prendre la procédure à mettre en place, et déterminer anticipativement les pièces utiles, en fonction de l’effet recherché, et de leur disponibilité (il est rappelé à cet égard que si un dossier introduit peut être complété par la suite, il ne peut l’être indéfiniment, mais uniquement pendant un délai de 6 mois après le dépôt de la déclaration de régularisation).

Enfin, il ne faut pas oublier d’anticiper, dans chaque situation, la situation qui sera celle du contribuable ensuite de la mise en place de la procédure de régularisation, au regard des nouvelles dispositions introduites dans le droit fiscal belge, telle la « taxe caïman » par exemple, voire les futures règles dites « C.F.C », ou encore au regard des informations « disponibles » du fait de l’échange généralisé d’informations entre administrations fiscales de pays différents….

Auteur : Melanie Daube

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