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Le fisc doit s’incliner devant le secret professionnel

Dans un arrêt rendu le 1er juin 2011, la Cour d’Appel de Bruxelles rappelle que l’administration fiscale doit s’incliner devant le secret professionnel dans certaines situations.

Cette affaire concernait le secret médical invoqué par un dentiste.

L’administration fiscale avait adressé à ce dernier une demande de renseignements sur pied de l’article 315 du CIR 92 en vue de vérifier sa situation fiscale. Le contrôle était plus particulièrement porté sur les recettes du dentiste découlant des travaux prothétiques et des soins non remboursables par la sécurité sociale.

A cette fin, l’administration avait requis du dentiste qu’il lui communique tous ses livres et documents, y compris ses « fiches patients » tenues de façon manuscrite, en veillant à cacher les données d’identification des patients pour éviter que le dentiste ne se rende coupable d’une violation de son secret médical.

Malgré les précautions recommandées par l’administration dans sa demande de renseignements, le dentiste refusa de produire les documents en invoquant son secret médical.

Suite à ce refus, et conformément à l’article 334 du CIR 92, l’administration fiscale sollicita l’avis de l’autorité disciplinaire compétente, en l’espèce, la Commission médicale provinciale du Brabant d’expression française, aux fins d'apprécier si, et éventuellement dans quelle mesure la demande de renseignements se conciliait avec le respect du secret professionnel.

L’autorité disciplinaire rendit un avis négatif, considérant comme le soulevait le dentiste, que les « ‘ fiches patients’ (...) contenaient uniquement des données à caractère médical et que la présence répétée du nom du patient était incompatible avec la consultation de ces fiches par le représentant du fisc». De plus, la Commission estima qu’il ne pouvait pas « être trouvé de mode d’extraction de données qui se conforme avec le secret médical ».

L’administration jugea que la position prise par l’autorité disciplinaire du dentiste manquait de pertinence et décida de poursuivre ses investigations dans le chef de ce dernier.

Toutefois, sous couvert de son secret professionnel, le dentiste refusa de répondre à la demande du fisc qui assigna le contribuable en justice afin de le contraindre à fournir les renseignements sollicités.

Par un jugement du 15 février 2010, le Tribunal de première instance donna gain de cause au dentiste.

L’Etat belge décida d’interjeter appel à l’encontre de ce jugement.

Dans son recours, l’Etat belge soutint que « le secret professionnel ne peut être invoqué pour se soustraire soi-même à ses obligations fiscale » et qu’il appartenait ainsi au dentiste « de s’organiser en manière telle qu’il puisse se conformer à ses obligations fiscales sans fournir les données qui tombent sous le secret médical ».

De plus, selon l’Etat belge, il était « techniquement » possible de masquer l’identité des patients figurant sur les fiches, ce qui permettait justement d’éliminer tout risque de violation du secret médical.

Dans son arrêt du 1er juin 2011, la Cour d’Appel de Bruxelles rappelle le principe soutenu par l’Etat belge selon lequel le secret professionnel ne peut être invoqué pour se soustraire à ses propres obligations fiscales.

La Cour relève à cet égard qu’afin de concilier l’obligation prescrite à l’article 315 du CIR 92 au respect du secret professionnel, le législateur a mis en œuvre une procédure visée à l’article 334 du CIR 92 permettant de faire appel à l’autorité disciplinaire du contribuable.

Or en l’espèce, l’autorité disciplinaire dont relevait le dentiste avait considéré dans son avis que la production des documents requis par l’administration fiscale n’était pas conciliable avec le secret médical étant donné que les fiches contenaient des données à caractère purement médical et qu’en outre il n’était pas possible de trouver un mode d’extraction adéquat de celles-ci.

La Cour d’Appel décida dès lors, que par son refus de s’incliner devant l’avis rendu par cette autorité, l’Etat belge allait « à l’encontre de ses propres consignes inscrites dans le Comm.I.R. 1992 au numéro 334/8 », qui précise que « lorsque l’autorité disciplinaire confirme le point de vue de la personne interpellée, le taxateur ne peut que s’incliner ».

La Cour d’Appel de Bruxelles a ainsi décidé, à juste titre, que lorsque l’administration prévoit dans son propre commentaire administratif qu’elle doit s’incliner, elle ne peut revenir sur ses propres recommandations sans violer le principe de sécurité juridique auquel elle est tenue et débouta ainsi l’Etat belge.

Si l’administration fiscale dispose de larges pouvoirs d’investigation, ceux-ci ne sont cependant pas illimités comme le confirme l’arrêt commenté. En effet, le fisc doit notamment s’incliner devant le secret professionnel des contribuables.

Cet arrêt permet en outre de rappeler que l’administration fiscale doit respecter les principes de bonne administration. Il pourra ainsi être invoqué dans toutes les situations où l’administration fiscale contredit son propre commentaire administratif ou toute autre prescription qu’elle aurait elle-même émise.

Auteur : Ronny Favel

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