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Les conséquences fiscales des infractions au droit des sociétés

Depuis une dizaine d'années, certains contrôleurs de l'administration fiscale soutiennent que les opérations qui ne sont pas conformes au droit des sociétés sont simulées et donc inopposables à l'administration. Ainsi, le seul fait de poser un acte en contradiction avec le prescrit des lois coordonnées sur les sociétés commerciales serait nécessairement constitutif de simulation, même si les parties acceptent par ailleurs toutes les conséquences juridiques de l'acte posé.

Comme on pouvait le craindre, cette pratique administrative a été suivie par différentes Cours d'appel de notre pays. Nous avions dénoncé à l'époque cette jurisprudence - heureusement assez isolée - qui dénature totalement la notion de simulation, laquelle implique nécessairement que les parties n'acceptent pas toutes les conséquences juridiques de leurs actes.

La Cour d'appel d'Anvers a rendu récemment un arrêt qui constitue un revirement complet de la jurisprudence susvisée. Dans le cadre d'une cession de son fonds de commerce à une société nouvellement constituée, un commerçant fait établir un rapport par un réviseur d'entreprises et un rapport spécial par le gérant de la société, mais il omet de déposer ces deux documents au greffe du tribunal de commerce, comme le prescrit l'article 120quater des lois coordonnées sur les sociétés commerciales. Le contrôleur saute sur cet oubli pour considérer que la cession du fonds de commerce est simulée et que la vente des actifs lui est donc inopposable. Il taxe dès lors la plus-value dégagée à cette occasion non pas distinctement au taux réduit, mais bien comme une simple rémunération dans le chef du commerçant.

Saisie du recours de ce dernier, la Cour d'appel d'Anvers observe que si l'administration entend se prévaloir d'une simulation, elle ne peut se contenter d'invoquer une infraction à une loi quelconque. Elle doit en outre établir que les parties n'ont pas accepté toutes les conséquences des leurs actes.

L'arrêt est, sur ce point, tout à fait conforme à l'enseignement que l'on peut tirer de l'arrêt de la Cour de cassation du 5 mars 1999. La Cour d'appel d'Anvers va toutefois plus loin que cette dernière et considère en outre que l'opération est pleinement opposable à l'administration, nonobstant l'absence de dépôt des rapports du réviseur et du gérant.

La Cour rappelle que la sanction de cette omission est l'inopposabilité de l'opération aux tiers, conformément à l'article 10 des lois coordonnées.

Or la Cour considère, à l'instar d'une partie de la doctrine, que lors de l'établissement de l'impôt, le fisc n'est pas un tiers par rapport aux actes posés par les contribuables, de sorte qu'il ne peut écarter l'acte intervenu.

Il ne nous paraît pas nécessaire de recourir à cette doctrine, au demeurant très discutable, selon laquelle le fisc n'est pas un tiers lors de l'établissement de l'impôt. En effet, il suffit de constater que la sanction d'inopposabilité prévue par l'article 10 ne joue pas lorsque le tiers a connaissance des actes qui devaient être publiés. En l'espèce, même si les deux rapports n'ont pas été publiés, le fisc en a pris connaissance au moment du contrôle, c'est-à-dire avant l'enrôlement, de sorte que ces rapports lui sont opposables dès ce moment.

Sous réserve de cette dernière remarque, on ne peut que se réjouir de la décision intervenue, qui revient à une acception de la simulation conforme à son origine, c'est-à-dire au droit civil.

Martin VAN BEIRS

Auteur : Martin Van Beirs

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