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Le recouvrement de l'impôt sur les biens du conjoint

Beaucoup d'époux vivent séparés depuis des années sans se préoccuper des dettes d'impôts éventuelles de leur conjoint séparé. Or voilà bien un domaine dans lequel les aventures malheureuses sont fréquentes. Outre les pouvoirs que l'administration fiscale tire, au même titre qu'un autre créancier, des règles du Code civil relatives aux régimes matrimoniaux, l'administration dispose de pouvoirs particuliers qui sont prévus par l'article 394 du Code des impôts sur les revenus.

Selon cette disposition, "chacune des quotités de l'impôt afférentes aux revenus respectifs des conjoints (...) peuvent, quel que soit le régime matrimonial, être recouvrés sur tous les biens propres et sur les biens communs des deux conjoints". Il s'agit manifestement là d'une règle exorbitante par rapport à la règle générale prévue par l'article 393 du Code, selon laquelle "l'impôt enrôlé au nom de plusieurs personnes ne peut être recouvré à charge de chacune d'elles que pour la quotité afférente à ses revenus".

Certains auteurs ont à juste titre souligné que la règle prévue par l'article 394 devait être interprétée restrictivement : comme elle vise "les quotités de l'impôt", et non "l'impôt", il faut en conclure qu'elle ne s'applique qu'à l'impôt enrôlé au nom des deux époux. Or en cas de séparation, l'impôt est enrôlé au nom de chaque conjoint dès l'année qui suit celle de la séparation (article 128 du Code), de telle sorte que l'article 394 n'est applicable qu'aux impôts relatifs à l'année de la séparation.

Cette interprétation est confortée par les travaux préparatoires de la loi, au cours desquels il a été clairement indiqué que l'article 394 "précise dans quelle mesure les quotités de l'impôt visé à l'article (393) pourront être recouvrées à charge des époux ... ".

Saisi récemment d'une question parlementaire à ce sujet, le Ministre des Finances a balayé l'argument en répondant que "les extraits des travaux préparatoires traitent du cas le plus fréquent, à savoir celui dans lequel l'imposition est établie au nom des deux conjoints", mais qu'"ils n'excluent cependant pas que l'article 394 soit aussi applicable en dehors de cette hypothèse la plus fréquente".

Le Ministre semble perdre de vue qu'une disposition légale ne peut être interprétée que pour autant qu'elle soit obscure. Or les termes utilisés par l'article 394 sont très clairs. En outre, lorsque l'on recourt à l'interprétation en la matière, celle-ci doit être restrictive, ce qui conduit en l'espèce à une conclusion diamétralement opposée à celle du Ministre. Enfin, le Ministre ne se contente pas d'interpréter la loi en se fondant sur les travaux préparatoires, mais interprète également ceux-ci ...

On aura compris que pour éviter de payer les dettes fiscales de son compagnon, mieux vaut ne pas se marier... Si on persiste néanmoins à vouloir convoler, la séparation de biens apporte une protection relative, à condition de pouvoir prouver avec quels fonds, les biens propres ont été acquis. Enfin, si l'on finit par se séparer, la seule façon certaine de s'assurer de ne pas devoir payer les impôts de quelqu'un qui ne partage même plus sa vie est de divorcer. Si on ne l'a pas fait, et qu'on se voit réclamer de tels impôts, il faut résister en soutenant que l'interprétation ministérielle de la loi est inexacte, en attendant un arrêt de principe

(MVB)

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