ours-idefisc

Idefisc — Actualités fiscales

Ventilation de la plus-value réalisée entre le bâtiment et les travaux de transformation : la Cour de cassation valide le point de vue du Service des décisions anticipées

L’article 47 du Code des impôts sur les revenus (ci-après, « CIR ») prévoit la taxation des plus-values réalisées sur des immobilisations corporelles ou incorporelles détenues depuis plus de 5 ans ayant fait l’objet d’un amortissement.

Sur base du commentaire administratif (Com. IR 92, n° 47/11), l’une des conditions d’application de l’article 47 du CIR est que l’actif ait eu « la nature d’immobilisation depuis plus de cinq ans, c’est-à-dire sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle […] depuis plus de 5 ans, à la date de leur réalisation ».

Qu’en est-il en cas de plus-value réalisée sur un immeuble entièrement rénové récemment ? Pourrait-il bénéficier de la taxation étalée prévue à l’article 47 du CIR ?

La question s’était déjà posée devant le Service des décisions anticipées (ci-après, « SDA »). De façon constante, le SDA a estimé que la plus-value réalisée ne pouvait bénéficier du régime de la taxation étalée. L’argument avancé par le SDA se trouvait au commentaire administratif (Com. IR 92, n° 47/14) qui prévoyait que « la date de départ pour le calcul du délai de cinq ans est la date à laquelle le bien ou chacun des éléments de ce bien, qui ont été commandés ou acquis séparément, sont entrés effectivement en possession du contribuable ».

Le SDA en concluait qu’en présence d’un bâtiment ayant fait l’objet de rénovations, il apprécierait distinctement la partie concernant le bâtiment et les travaux de rénovation (la première pourra bénéficier du régime de taxation étalée tandis que les travaux de rénovation ne pourront pas en bénéficier).

Dans une récente décision (décision anticipée n° 2023.0868 du 12 décembre 2023), le SDA a pu reconfirmer sa position et a estimé que la plus-value réalisée devant être ventilée entre la partie afférente à l’immeuble et celle afférente aux travaux de transformation.

Dans un arrêt récent du 15 mars 2024, la Cour de cassation a indiqué qu’elle suivait la position du SDA et décide que les travaux de transformation doivent elles-mêmes être terminés depuis au moins cinq ans pour pouvoir bénéficier de la taxation étalée de la plus-value telle que prévu par le CIR.

Les faits de la cause peuvent être résumés comme suit : en 1998, la demanderesse en cassation fit l’acquisition d’un immeuble qu’elle revendit en 2006 pour un prix de 6.400.000 euros. Au cours des cinq années précédant sa vente, elle y effectua des transformations, aménagements et installations pour un montant total d’environ 2.750.000 euros. Suite à cette vente, elle déclara une plus-value d’environ 2.000.000 euros qu’elle souhaite étaler sur son impôt.

Sur base de l’application du principe « l’accessoire suit le principal », la demanderesse en cassation considère que les travaux avaient été incorporés à l’immeuble et devaient, dès lors, bénéficier du même sort que celui réservé à l’immeuble acquis il y a plus de cinq ans au moment de son aliénation et auquel ils sont incorporés nonobstant que les travaux aient été réalisés moins de cinq ans par rapport à l’aliénation du bien.

De son côté, l’administration fiscale suit la position du SDA et considère que la plus-value réalisée était éligible à la taxation étalée mais seulement pour la partie se rapportant à des investissements dans des immobilisations corporelles réalisées depuis plus de cinq ans. Un investissement consistant en des travaux apportés à un bâtiment acquis doit être considéré comme l’acquisition d’une immobilisation corporelle et de ce fait, être apprécié séparément concernant la condition du respect du délai de cinq ans. Le même raisonnement doit être suivi lorsque des travaux effectués ont été intégrés dans un bâtiment préexistant.

La Cour de cassation commence par citer l’article 47, § 1, 2°, du CIR et précise qu’il concerne la taxation étalée de la plus-value réalisée volontairement sur des immobilisations corporelles.

Dès lors, il convient d’analyser le champ d’application de cette notion d’« immobilisations corporelles ». Cette expression a, en vertu de l’article 2, § 1er, 9° du CIR, la signification qui lui est attribuée par la législation relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises.

Le droit comptable prévoit que les bâtiments doivent être compris parmi les immobilisations corporelles et que « les constructions édifiées ainsi que leurs agencements qu'une entreprise détient en propriété constituent des immobilisations corporelles, à comptabiliser parmi les actifs immobilisés de son bilan […] si lesdits constructions et agencements sont affectés durablement par elle à son exploitation ».

Conformément à son appréciation du droit comptable, la Cour de cassation en conclut que le juge d’appel a légalement justifié sa décision en jugeant qu’il y avait lieu de faire une ventilation entre le bâtiment en lui-même et ses « agencements » et ce, même si les investissements pour l’agencement sont entièrement incorporés dans l’immeuble.

En conclusion et selon la Cour, la plus-value sur les agencements de constructions, réalisés dans les cinq années précédant l'aliénation d'un immeuble ayant la nature d'immobilisation corporelle, ne peut bénéficier du régime de report de taxation sous condition de remploi prévu l'article 47 du CIR.

Ce nouvel arrêt de la Cour de cassation confirme donc la position suivie par le SDA depuis plus d’une dizaine d’années. En cas de plus-value réalisée sur un bien rénové, il conviendra d’attendre que les derniers travaux soient achevés depuis au moins cinq ans avant de vendre le bien afin de pouvoir bénéficier de la taxation étalée. A défaut, une ventilation devra être faite entre le bâtiment et les travaux de rénovation.

Huu-Toan NGUYEN

Thème : L'immobilier

ours-idefisc
Idefisc — Actualités Fiscales
©2003-2020 Idefisc & Words and Wires W3validator