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Applicabilité de la « taxe Caïman » aux distributions d’un trust : un ruling bienvenu !

Nul n’ignore plus qu’en droit belge, l’impôt frappe les revenus non perçus qu’un contribuable belge recueille dans une « construction juridique », via une fiction de transparence fiscale applicable à certaines structures patrimoniales privées. C’est l’objet de ce que l’on nomme communément la « taxe Caïman ».

La notion de « construction juridique » fait l’objet d’une définition à la fois large et complexe.

Sans entrer dans les détails de cette définition, l’on peut se limiter à rappeler qu’il existe 2 types de « construction juridique ». Les constructions juridiques de « catégorie 1 » visent les « patrimoines flottants ». A ce titre, tous les trusts, quel que soit l’Etat de leur juridiction, et le droit leur étant applicable, sont visés. Les constructions juridiques de « catégorie 2 » englobent une série d’entités non-résidentes disposant de la personnalité juridique, constituées sous la forme de sociétés, d’associations ou de personnes morales. Pour être visées par la taxe, ces entités doivent être soumises à un régime fiscal notablement plus avantageux que le régime fiscal belge. Pour faciliter la tâche du taxateur, 2 listes, apparemment non exhaustives, ont été établies par Arrêté royal, et reprennent ces entités de « catégorie 2 », en distinguant celles établies dans l’EEE de celles établies en dehors de l’EEE.

Depuis le 1er janvier 2015, le contribuable belge qui qualifie au titre de « fondateur » de la construction juridique est soumis à l’impôt, en Belgique, sur les revenus perçus par la construction, comme si ces revenus avaient été perçus directement par le contribuable lui-même.

La nature des revenus perçus est inchangée. Les revenus perçus par la construction ne seront dès lors imposables que dans la mesure où ils l’auraient été s’ils avaient été perçus directement par le fondateur. Dans le cas contraire, par exemple s’il s’agit de revenus relevant de ce que l’on nomme la « gestion normale d’un patrimoine privé », ils n’en deviennent pas automatiquement taxables dans le chef du fondateur de par l’effet de la transparence.

Le fondateur peut échapper à la fiction de transparence lorsqu’il peut établir que les revenus, perçus par la construction, ont été payés ou attribué à un « tiers bénéficiaire », qui répond à différentes conditions tenant au régime fiscal qui lui est applicable. Si ce bénéficiaire est également résident fiscal belge, il en devient alors taxable sur les revenus perçus par la construction juridique, en lieu et place du fondateur. Pour que l’exception puisse jouer en faveur du fondateur, ce dernier devra en outre prouver que les revenus perçus par la construction juridique ont été attribués au bénéficiaire au cours de l’année de perception desdits revenus.

Ce principe, adjoint à celui de l’annualité de l’impôt, permet de soutenir que la taxation du bénéficiaire, en lieu et place du fondateur, sur les revenus de la construction, ne se conçoit que pour les revenus que la construction juridique à elle-même perçus au cours de l’année de distribution.

La « taxe Caïman » n’instaure donc pas, de facto, un principe de taxation généralisée sur toutes les « distributions » profitant à un bénéficiaire d’une construction juridique, fut-il le fondateur de celle-ci.

C’est pourtant ce que certains avaient soutenus, lors de l’adoption de la législation nouvelle. Il avait en effet été dit que la nouvelle taxe visait l’intégralité d’une distribution qui serait consentie par une construction juridique, au fondateur, ou au bénéficiaire de celle-ci. Tel serait par exemple le cas d’un trust, en présence d’une distribution, à un bénéficiaire, d’une somme qui excèderait le total des revenus perçus par la construction, au cours de l’année de distribution.

Nous avons toujours estimé qu’une telle interprétation ne se conciliait pas avec le texte de la loi.

Une telle situation fut soumise au Service des Décisions Anticipées, qui a redu sa décision (« ruling ») en date du 3 octobre 2016. Celui-ci fut interrogé quant à la question de savoir si la « taxe Caïman ». devait s’appliquer à la distribution effectuée par un « Irrevocable Discretionary Trust » de droit de Jersey constitué par un fondateur alors décédé, lorsque cette distribution profitait à un bénéficiaire taxable en Belgique.

Le Service des Décisions Anticipées a effectué une analyse de la situation au regard de la législation nouvelle. Il a confirmé le principe de taxation des revenus perçus par le trust, dans le chef du fondateur, et après son décès, dans le chef des « fondateurs héritiers » (ses enfants ayant pris sa place), comme s’il(s) avai(en)t perçus ces revenus en direct, chacun en proportion de sa part dans le trust, ou, pour l’hypothèse où cette part ne pourrait être déterminée, chacun en proportion de ses droits dans la succession du fondateur initial. Rien de plus à cet égard qu’une application logique de la loi.

Plus intéressante est la réponse fournie, indirectement, par le Service des Décisions Anticipées à la question portant sur l’étendue de la base imposable à la « taxe Caïman ». Est-ce l’entièreté de la distribution qui est taxable, ou uniquement la partie de la distribution qui correspond aux revenus annuels perçus par le trust ? Le Service des Décisions Anticipées confirme à cet égard que les distributions, en tant que telles, ne sont pas taxées, et ce, « tant à la liquidation du trust, qu’à la distribution de revenus ou de capital ».

Par cette réponse, le Service des Décisions Anticipées confirme le principe de la limitation de la taxation, à la « taxe Caïman », à la partie de la distribution qui correspond, au maximum, aux revenus perçus par le trust, au cours de l’année de distribution.

Ceci ne doit cependant pas, selon nous, laisser croire que toutes les distributions effectuées par un trust seraient non imposables, en ce qu’elles excéderaient les revenus perçus par le trust lui-même au cours de l’année de distribution. En effet, encore faut-il, même dans cette hypothèse, vérifier la nature des « droits » que peuvent faire valoir les bénéficiaires du trust à l’encontre du Trustee. Ce n’est que dans la mesure où ces derniers ne pourraient invoquer de réels « droits de créance » que l’on peut conclure que les distributions « excédentaires » n’induisent pas d’imposition dans le chef des bénéficiaires, à l’impôt des personnes physiques. Toute autre est encore la question de savoir si les « affectations » au trust engendrent une quelconque taxation, lors du décès du fondateur.

Par ailleurs, il doit être rappelé que la réponse aux questions posées au Service des Décisions Anticipées eut été différente s’il n’avait pas été question d’un trust, mais bien d’une fondation, ou de toute autre construction juridique de « catégorie 2 ». En effet, pour ces entités, la loi a créé une nouvelle catégorie de « boni de liquidation », induisant une taxation, dans le chef du fondateur, lors de la dissolution, ou du transfert total ou partiel des actifs de la construction, sans contrepartie équivalente.

Auteur : Melanie Daube

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