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Cross-border leasing

Par deux jugements des 13 février et 1er avril 2004, le Tribunal de première instance de Bruxelles a été confronté à la matière du cross-border leasing.

Les deux affaires concernaient la même problématique : des sociétés belges avaient conclu, dans les années 1980, des contrats de leasing de véhicules avec une société luxembourgeoise.

A la suite des contrôles, notamment de l’ISI, le fisc prétendait que la société luxembourgeoise disposait en réalité en Belgique d’un siège de direction, duquel la direction effective de la société était réalisée, rendant en conséquence l’ensemble des prestations de service effectuées passibles de la TVA belge en vertu de l’article 18 du Code de la TVA, puisque réalisées à l’intérieur du pays.

L’administration de la TVA a aussi délivré des contraintes aux divers cocontractants de la société luxembourgeoise, sur base de l’article 51bis,§1er,1° et 3° du Code de la TVA, selon lequel le cocontractant de la personne redevable de la taxe est solidairement tenu avec elle au paiement de la taxe envers l’Etat lorsque la facture ou le document en tenant lieu n’a pas été délivré, ou contient une indication inexacte quant à diverses mentions que doivent reprendre ladite facture.

Par ces deux jugements des 13 février et 1er avril 2004, le Tribunal de première instance de Bruxelles a tranché les oppositions introduites par deux des cocontractants ainsi visés dans un sens favorable aux cocontractants belges refusant systématiquement de faire droit à la demande de surséance à statuer, dans l’attente de l’issue du litige opposant l’Etat belge à la société luxembourgeoise, formulée par l’Etat belge .

Pour le Tribunal, la solution à donner au litige ne dépendait pas de la décision à intervenir dans l’instance opposant l’Etat belge à la société luxembourgeoise.

Le Tribunal a en outre estimé, au fond, que l’Etat belge ne démontrait pas l’existence d’une obligation solidaire dans le chef des preneurs de leasing.

Ayant eu précédemment à se prononcer dans deux affaires « sœurs », le Tribunal de première instance de Mons a quant à lui rendu des jugements quelque peu contradictoires.

Si dans sa décision du 21 février 2002, il n’a pas fait droit à la demande formulée par l’Etat belge tendant tantôt au renvoi de la cause pour connexité devant le Tribunal devant connaître de la contrainte décernée à l’encontre de la société luxembourgeoise, tantôt à la surséance à statuer dans l’attente du résultat de l’instance pénale, ce même tribunal a, dans sa décision du 16 octobre 2002, fait droit à la demande de connexité avec le litige impliquant la société de leasing, imitant en cela le Tribunal de première instance de Liège en son jugement du 30 mai 2002.

Dans l’ensemble de ces affaires, l’Etat belge avançait que le mécanisme mis en place par la société luxembourgeoise et ses cocontractants aboutissait à ce que le preneur de leasing ne supporte aucune charge de TVA.

De manière générale, l’Etat belge sollicitait qu’il soit sursis à statuer dans l’attente du l’issue du litige relatif à la contrainte décernée à la société luxembourgeoise, lui-même dépendant de l’instance pénale impliquant diverses personnes liées à la société luxembourgeoise.

Ces demandes de connexité et de surséance à statuer postulées par l’Etat belge ne devaient néanmoins pas, comme l’ont reconnu la plupart des tribunaux, à quelques exceptions près, être acceptées, et ce en raison du fait qu’un tel renvoi pour cause de connexité ou surséance à statuer n’est envisageable que lorsqu’il existe des éléments de preuve en vertu desquels le cocontractant n’est pas étranger aux infractions éventuellement imputables à son donneur de leasing.

Dans l’ensemble des litiges, les cocontractants sont en effet poursuivis en vertu de la solidarité prévue par le Code de la TVA, qui ne peut cependant pas être mise en œuvre en raison de n’importe quelle irrégularité relative à une facture.

Lors de l’introduction dans le Code de la TVA d’un tel mécanisme de solidarité, le Ministre des finances, suite à une question parlementaire, a en effet été amené à déclarer que cette solidarité ne pouvait jouer à l’encontre du bénéficiaire d’une prestation de services qui avait commis, de bonne foi, une erreur.

Dès lors, et en conséquence, si une irrégularité est commise de mauvaise foi par le prestataire de services, aucune solidarité ne peut être invoquée pour réclamer la taxe au preneur de services si ce dernier ne pouvait savoir que la facture lui étant remise contenait une irrégularité.

En effet, s’il ne peut être démontré que le bénéficiaire est de mauvaise foi et a commis une faute, la solidarité invoquée à son encontre ne peut être retenue puisqu’il n’y a aucune communauté d’intérêts entre le prestataire et le bénéficiaire du service en cause. En l’espèce, la question de savoir si la société luxembourgeoise avait ou non son siège d’exploitation en Belgique, à partir duquel les prestations accomplies au profit des cocontractants leur auraient été rendues ne peut être considérée comme étant relevante, si la preuve de la complicité des cocontractants n’est pas rapportée par l’Etat belge.

Or, ce type d’irrégularité ne peut, comme l’a à bon droit décidé le Tribunal de première instance de Mons en date du 21 février 2002, être considéré comme étant une irrégularité généralement perceptible par un cocontractant.

Quant à la surséance à statuer, même si l’instance pénale aboutissait à la constatation que le siège de direction de la société luxembourgeoise était en réalité situé en Belgique, le mécanisme de la solidarité ne pourrait en aucun cas mis en œuvre à l’encontre des cocontractants de cette société.

Dès lors, et comme le Tribunal de première instance de Bruxelles l’a à juste titre décidé, la contrainte décernée à l’encontre de cette société luxembourgeoise ne pourrait en aucun cas être considérée comme ayant valablement interrompu la prescription à l’encontre de l’ensemble des cocontractants de cette société, de sorte que les contraintes devraient être, en grande partie, annulées pour cause de prescription.

L’Etat belge ayant, dans l’ensemble de ses litiges, interjeté appel à l’encontre des décisions intervenues en première instance, il conviendra de rester attentif aux décisions des différentes Cour d’appel, afin de connaître l’issue de ces nombreux litiges.

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