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Droit de superficie et acquisition gratuite

Un récent appel de la Cour d'appel d'Anvers risque de provoquer de nombreux litiges, si l'administration fiscale décide de l'invoquer à titre de jurisprudence. Cet arrêt concerne l'hypothèse, relativement classique, où une société propriétaire d'un terrain, avait consenti un droit de superficie sur ce terrain au profit d'une autre société. A l'issue de ce droit de superficie, le contrat prévoyait que les constructions érigées par la seconde société, revenaient comme c'est logique, à la première, et ce sans indemnité. La société propriétaire du terrain avait dès lors considéré, sur la base de l'article 20 de l'arrêté royal comptable, que la valeur d'acquisition des constructions était nulle, et elle s'était abstenue de comptabiliser les constructions ainsi acquises, à l'actif de son bilan.

L'administration avait au contraire considéré que la valeur réelle du bien ainsi acquis devait figurer à l'actif du bilan, et générait par là même un bénéfice taxable dans le chef de la société propriétaire du terrain. D'une manière très surprenante, la Cour d'appel d'Anvers a donné raison à l'administration, en se fondant sur l'article 16 de l'arrêté royal comptable, selon lequel, dans le cas exceptionnel de l'application des règles d'évaluation prévues au présent chapitre ne conduirait pas au respect du principe de l'article 3, il y a lieu d'y déroger par application dudit article 3. Pour rappel, l'article 3 de l'arrêté royal comptable impose, d'une manière très générale, aux comptes annuels de reproduire une image fidèle du patrimoine de la société.

Cet arrêt est sujet à critique. L'article 20 de l'arrêté comptable prescrit de tenir compte de la valeur d'acquisition d'un bien; il ne distingue pas suivant que cette valeur est ou non égale à la valeur réelle du bien, et ne fait aucune exception lorsque la valeur d'acquisition est nulle.

Certes, l'article 16 permet, dans des cas qu'il qualifie lui-même d'exceptionnels, une dérogation sur la base du principe de l'image fidèle. Cette règle dérogatoire est toutefois d'interprétation d'autant plus restrictive qu'elle est qualifiée d'exceptionnelle par le texte lui-même. Il nous paraît invraisemblable de faire prévaloir la règle d'image fidèle, règle, on ne peut plus vague, sur des règles précises qui expriment le principe directeur de la réglementation comptable.

S'il fallait, pour chaque bien, faire prévaloir la règle de l'image fidèle sur celle de la comptabilisation à la valeur d'acquisition, il faudrait, non pas déroger dans des cas exceptionnels, aux règles normales de la loi comptable, mais y déroger pour pratiquement toutes les immobilisations détenues par toutes les sociétés : connaît-on beaucoup d'immeubles, beaucoup de participations, dont la valeur, après quelques années correspond encore à leur valeur d'acquisition ? La dérogation prévue par l'article 16 ne peut, d'après son texte même, concerner que des cas exceptionnels, et non des situations qui se reproduisent de manière systématique.

En attendant que cet arrêt soit cassé ou qu'une jurisprudence contraire se stabilise à nouveau, il est toutefois utile de tenir compte de la possibilité d'existence de nouveaux litiges avec l'administration. Ceux-ci pourraient concerner des hypothèses allant bien au-delà du cas déjà classique de l'acquisition des propriétés érigées par le superficiaire à l'expiration de son droit. Des hypothèses comme la cessation du droit d'usufruit, voire même la réévaluation de biens acquis depuis longtemps et déjà amortis, ne sont pas à exclure a priori. Il se recommande en tout cas de ne pas s'incliner devant une argumentation qui serait déduite d'un arrêt isolé et à notre avis, fondé sur une interprétation erronée de la réglementation comptable.

Thierry AFSCHRIFT

Auteur : Thierry Afschrift

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