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Intérêts moratoires: une discrimination en matière de précompte immobilier

La Cour d'arbitrage a rendu un nouvel arrêt, le 20 septembre dernier, suite à une question préjudicielle relative à l'article 309, al. 1er, 2°, du CIR, posée par la Cour de cassation.

Cet article prévoit qu'aucun intérêt moratoire n'est alloué en cas de restitution ", notamment, de " l'excédent de précomptes et versements anticipés visés à l'article 211, § 2, effectuée au profit du contribuable intéressé ".

La question préjudicielle était de déterminer si l'article 309, al. 1er, 1°, du CIR est contraire aux principes d'égalité et de non-discrimination consacrés par les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il exclut l'octroi d'intérêts moratoires au contribuable intéressé lorsque le précompte mobilier n'a pu être imputé sur l'impôt global frappant ce contribuable en raison de l'expiration du délai légal d'imposition.

La position de l'administration fiscale à cet égard a toujours été de considérer qu'à la différence du précompte immobilier, qui, comme l'impôt des personnes physiques et l'impôt des sociétés, fait l'objet de rôle annuel, et n'est pas retenu à la source, les précomptes mobilier et professionnel ne constituent pas des impôts. Leur restitution ne doit dès lors pas donner lieu au paiement d'intérêts moratoires.

La Cour de cassation soutenait cette position administrative en distinguant deux situations : la première où aucun impôt n'est dû " dès l'origine ", l'imposition ayant été enrôlée en dehors des délais d'imposition où aucun enrôlement n'ayant été établi, et où les précomptes, ne pouvant servir à apurer un quelconque impôt, gardent dès lors leur caractère propre ; la seconde où un impôt a été enrôlé régulièrement mais, suite à une réclamation ou à une action en justice, doit être restitué totalement ou partiellement. Dans ce cas, le précompte imputé a servi à apurer un impôt qui doit être restitué avec l'octroi d'intérêts moratoires.

Les travaux préparatoires justifient cette disposition légale incriminée par des raisons d'équité et par le fait que, de même que les contribuables négligents doivent payer des intérêts de retard à l'Etat, par identité de motifs, il n'est que juste d'accorder des intérêts moratoires au contribuable, chaque fois que l'Etat restitue un impôt payé.

L'exception relative à la restitution des impôts dus à la source était liée aux hypothèses de restitution résultant d'erreurs commises par le débiteur du revenu ou de régularisations de la situation des salariés, etc.

L'allocation d'intérêts moratoires dans ce cas se heurterait à des difficultés matérielles considérables et sans réelle utilité et elle serait injustifiée lorsqu'elle est la conséquence d'erreur dans le versement des impôts dus à la source.

La Cour d'arbitrage relève à cet égard qu'il peut se justifier qu'aucun intérêt ne soit dû sur le remboursement de précompte lorsque le redevable a payé spontanément plus qu'il ne devait ou lorsqu'il est pratiquement impossible de déterminer la date de prise de cours des intérêts à répartir entre les contribuables en faveur de qui les retenues ont été faites par le redevable des précomptes.

Tel est le cas notamment de l'excédent de précomptes professionnels lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un enrôlement au nom du redevable.

En revanche, dit la Cour, rien ne justifie que des intérêts moratoires soient refusés lorsqu'il s'agit de précomptes mobiliers, que le remboursement est rendu nécessaire par l'expiration du délai légal d'imposition entraînant l'impossibilité de les imputer sur l'impôt et que la détermination de la date de prise de cours des intérêts est possible.

La Cour d'arbitrage en conclut que s'il était interprété comme excluant l'octroi d'intérêts moratoires au contribuable lorsque le précompte mobilier n'a pu être imputé sur l'impôt en raison de l'expiration du délai légal d'imposition, l'article 309, al. 1er, 2°, du CIR 1964 est discriminatoire.

Jusqu'alors, la Cour de cassation refusait le droit aux intérêts moratoires dans pareille situation.

Cette solution est à présent déclarée inconstitutionnelle par la Cour d'arbitrage, et la Cour de cassation suivra la solution dégagée par la Cour constitutionnelle dans l'interprétation à donner au texte de l'article 309 (actuel article 419 CIR 92).

Il faut noter, cependant, qu'une autre question fondamentale reste controversée : peut-on vraiment considérer que les précomptes (le précompte mobilier notamment) ne sont pas des " impôts " au sens des articles 418 et 419 du CIR 92.

La réponse nous paraît négative.

Pascale Hautfenne

Thème : Le précompte immobilier

Auteur : Pascale Hautfenne

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