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Quand une demande de renseignements doit-elle être considérée comme tardive ?

La Cour d’appel d’Anvers, dans un tout récent arrêt du 20 juin 2023, vient de rendre une décision importante portant sur le délai d’imposition et de contrôle en matière d’impôts sur les revenus.

Pour rappel, l’administration fiscale dispose d’importants pouvoirs d’investigation lui permettant de vérifier la situation fiscale d’un contribuable. L’administration peut effectuer ses investigations durant le délai ordinaire d’imposition de trois ans. Elle peut également investiguer dans le délai extraordinaire d’imposition, qui est de quatre année supplémentaires en cas d’infraction commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire conformément à l’article 333 du CIR. Pour ce faire, la loi exige que l’administration fiscale notifie les indices de fraude préalablement au contribuable de manière précise. Cette notification préalable est prescrite à peine de nullité de l’imposition établie en raison des résultats de ces investigations.

En l’espèce, la contestation soumise devant la Cour d’appel se rapportait à l’exercice d’imposition 2016 (revenus de 2015). Dans ce cas, l’administration fiscale pouvait alors investiguer jusqu’au 31 décembre 2018. Elle envoya au contribuable une demande de renseignements en date du 5 décembre 2018. Le contribuable y répondit le 7 janvier 2019, soit dans le délai légal puisque ce dernier est tenu de répondre dans le mois à partir du troisième jour ouvrable suivant l’envoi de la demande. L’administration fiscale établit une cotisation supplémentaire sur base des informations fournies par le contribuable.

C’est précisément cette cotisation que le contribuable contestait devant la Cour d’appel. En effet, le contribuable estimait qu’en répondant à la demande de renseignements en date du 7 janvier 2019, soit après l’expiration du délai ordinaire de trois ans, l’administration ne pouvait investiguer que moyennant l’envoi d’une notification préalable des indices de fraude, ce qui ne fut pas le cas. L’administration fiscale était d’avis, au contraire, que son acte d’investigation, à savoir l’envoi de la demande de renseignement, avait été posé dans le délai d’imposition ordinaire de trois ans et partant, qu’une notification préalable des indices de fraude n’était pas nécessaire.

La Cour d’appel d’Anvers donna raison au contribuable. L’administration fiscale n’est pas autorisée à forcer le contribuable à répondre à la demande de renseignements si elle ne dispose plus du pouvoir de poser des actes d’investigation. Autrement dit, l’administration fiscale ne peut pas profiter du délai de réponse d’un mois dont dispose le contribuable pour motiver une prolongation de son délai d’investigation, et ne peut dès lors investiguer en dehors du délai d’imposition de trois ans (sauf si elle notifie préalablement au contribuable les indices de fraude, ce qui, pour rappel, ne fut pas le cas en l’espèce). La Cour conclut par conséquent que la cotisation supplémentaire est nulle.

En clair, pour s’assurer que l’administration fiscale effectue une investigation dans le délai ordinaire de trois ans (et donc, sans qu’une notification préalable des indices de fraude soit nécessaire), il faut prendre en considération le moment où le contribuable répond à la demande de renseignements, et non le moment où ladite demande est formulée.

La portée de cet arrêt doit toutefois être relativisée à l’avenir suite aux modifications apportées en matière de procédure fiscale.

En effet, depuis l’exercice d’imposition 2023, trois nouveaux délais d’imposition ont vu le jour :

  • un délai d’imposition et d’investigation de quatre ans applicable en cas de non-déclaration ou de déclaration tardive ;
  • un délai d’imposition et d’investigation de six ans applicable en cas de déclaration semi-complète ;
  • un délai d’imposition et d’investigation de dix ans en cas de déclaration complexe.

L’administration fiscale peut se prévaloir de ces trois nouveaux délais pour investiguer sans qu’une notification préalable des indices de fraude soit nécessaire. Toutefois, ces nouveaux délais de six ou dix ans ne peuvent pas être utilisés pour enquêter ou établir des impôts supplémentaires liés à certains éléments précisés par le législateur (par exemple, des frais de voiture non déductibles, des frais de réception, etc.).

En cas de fraude, une période de dix ans s’applique désormais au lieu de la période de sept ans. C’est uniquement dans ce dernier cas que l’administration doit en informer le contribuable à l’avance. En outre, la notification préalable ne doit plus que mentionner l’existence de soupçons de fraude, sans avoir à les préciser.

En conclusion, cet arrêt de la Cour d’appel n’est donc utile pour l’avenir que lorsque l’investigation début dans le délai d’imposition ordinaire de trois ans et qu’elle n’est pas encore clôturée quand ce délai ordinaire se transforme en délai de fraude de dix ans.

Océane MAGOTTEAUX - Mahan SHOOSHTARI

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