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L’ultime pouvoir de réimposition (Cour de cassation, 20 janvier 2022, Rôle n°F.21.0089.N)

La Cour de cassation a récemment rendu un arrêt dans lequel, elle confirme sa position quant à l’application de l’article 356, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus.

Cette disposition confère à l’administration un pouvoir exorbitant, celui de soumettre une nouvelle cotisation en raison de l’annulation totale ou partielle de la cotisation primitive, et ce, moyennant le respect de certaines conditions.

Dès lors qu’un recours en justice est introduit, après qu’une décision à la réclamation soit intervenue et que le juge prononce la nullité totale ou partielle de l'imposition pour un motif étranger à la prescription, la cause reste inscrite au rôle pendant un délai de six mois et permet ainsi à l'administration fiscale de soumettre à l'appréciation du juge, par voie de conclusions, une cotisation subséquente à charge du même redevable, et ce, en raison de tout ou partie des mêmes éléments d'imposition que la cotisation primitive.

Il revient ensuite au juge de valider cette cotisation et de la rendre exécutoire.

En l’absence de décision à la réclamation, ce droit est donc exclu.

La raison d’être de cette déchéance s’apprécie à la lecture des divers travaux préparatoires de la disposition dont les objectifs sont de garantir l'égalité des citoyens devant la loi fiscale en évitant qu'un contribuable ne puisse échapper à l'impôt légalement dû, de sauvegarder les intérêts du Trésor, et de faire en sorte que la cotisation subsidiaire puisse être rapidement et définitivement fixée.

Partant, il découle de la procédure que ce ‘droit de repêchage’ n’existe que dans l’hypothèse où une décision à la réclamation est intervenue.

Le ministre des Finances avait d’ailleurs confirmé que : « Dans sa formulation actuelle, le texte de l’article 356 nouveau du C.I.R. 1992 ne peut s’appliquer que lorsqu’une décision directoriale a effectivement été rendue. Dans l’hypothèse où le contribuable introduit une action en justice du fait de l’absence de décision du directeur, conformément à l’article 1385undecies, alinéa 2, du Code judiciaire, l’administration ne peut pas introduire une cotisation subsidiaire. Cela signifie que l’administration a donc intérêt à ce que les décisions interviennent dans le délai de 6 ou 9 mois en cas de taxation d’office ».

La question intéressante qui se posait alors était de savoir ce qui se passe dès lors que le conseiller a bien pris une décision à la réclamation, mais que celle-ci est finalement annulée par le juge ?

Cour d’appel d’Anvers avait rendu un premier arrêt dans une affaire où le contribuable demandait tant l’annulation de la cotisation primitive pour cause d’arbitraire, que l’annulation de la décision directoriale.

Le raisonnement du contribuable était le suivant : l’annulation de la décision a un effet ex tunc, elle disparaît rétroactivement avec la conséquence que la décision prise par le conseiller est censée n’avoir jamais existé. Il n’est dès lors plus possible d’établir une cotisation subsidiaire puisque cela revient à considérer qu’il n’y a pas de décision.

Cela permettait de comprendre entre autres pourquoi les contribuables tentaient d’argumenter tant contre la cotisation (objet du recours), que contre la décision rendue par le conseiller.

La Cour va décider que l’annulation de la décision directoriale ne fait pas obstacle à la faculté qu’à l’administration de soumettre une cotisation subsidiaire.

Selon elle, lorsque le recours a été introduit contre la cotisation, la décision directoriale existait. Celle-ci ne disparaît de l’ordonnancement juridique qu’avec la décision de la Cour.

Cette position a été confirmée par la Cour de cassation lors notamment de l’examen d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Mons qui réduisait l’annulation de la décision directoriale par le juge, à son inexistence.

Elle cassa l’arrêt et précisa que l’annulation de la décision ne faisait pas obstacle à la faculté qu’à l’administration de soumettre une cotisation subsidiaire.

Dans un arrêt récent, elle confirme à nouveau cette position et l’inscrit dans ce mouvement large qu’est consacré au pouvoir de réimposition de l’administration en précisant que l’acquiescement par lequel l’administration renonce à invoquer des moyens de droit ne remet pas en question ce pouvoir.

On en retiendra qu’il trouve à s’appliquer dans tous les cas où le juge fiscal est saisi d’une contestation fondée sur l’article 569, alinéa 1er, 32° du Code du judiciaire, mais pour autant qu’une décision à la réclamation visée aux articles 1385decies et 1385undecies du même code ait été rendue.

Auteur : Perrine Rudewiez

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