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Les dossiers fiscaux issus du « footgate » : que peut faire le fisc ? comment le contribuable concerne peut-il réagir?

La presse a dévoilé ce vendredi la liste des personnes que le Parquet fédéral souhaite renvoyer devant le tribunal correctionnel dans l’affaire dite du « footgate ». A côté des 57 personnes ainsi identifiées, il a été précisé que le dossier répressif identifierait quelques 200 autres personnes dont il est soutenu qu’elles se seraient (potentiellement) rendues coupables d’infractions fiscales et qui devraient être prochainement « contactées » par le fisc aux fins de « régulariser » leur situation…. Ces « 200 » devraient se voir reprocher de ne pas avoir déclaré des sommes qu’ils auraient reçues dans le cadre du « footgate » sans les avoirs déclarées.

Ces événements nous donnent l’occasion de rappeler quelques principes qui prévalent lorsque comme en l’espèce, l’administration fiscale demande à, et obtient de, pouvoir prendre accès à un dossier répressif.

L’on sait que le délai dans lequel le fisc peut contrôler et rectifier la situation fiscale d’un contribuable est en principe de 3 ans devant une situation « ordinaire », ou de 7 ans en présence de ce que l’on nomme des « indices de fraude » (que le fisc doit annoncer et notifier au contribuable avant toute investigation, et a fortiori avant toute rectification). Ces délais ne sont pas toujours « suffisants » pour permettre à l’administration fiscale d’exploiter des informations issues de la consultation d’un dossier répressif.

L’administration dispose en réalité de la possibilité de revendiquer l’application du délai extraordinaire d’imposition visé à l’article 358, §1er , 3° du C.I.R. 1992. Cette disposition précise que « L’impôt ou le supplément d’impôt peut être établi, même après l’expiration du délai prévu à l’article 354, dans les cas où : […] 3° une action judiciaire fait apparaître que des revenus imposables n’ont pas été déclarés au cours d’une des cinq années qui précèdent celle de l’intentement de l’action ; […] ». En vertu de l’article 358, § 2, 2°, du C.I.R. 1992, l’impôt ou le supplément d’impôt devra alors être établi dans le délai de 12 mois à compter de la date à laquelle la décision dont l’action judiciaire visée au § 1er, 3°, a fait objet, n’est plus susceptible d’opposition ou de recours.

Il revient toutefois à l’administration fiscale de prouver la réunion des conditions d’application du délai extraordinaire d’imposition qu’elle entend invoquer. L’administration doit donc apporter la preuve que le dossier répressif qu’elle a pu consulter fait apparaître un manquement à une (prétendue) obligation de déclaration de revenus dans le chef du contribuable auquel elle s’adresse.

C’est l’action judiciaire, et non la décision sur cette action judiciaire, qui doit faire apparaître que des revenus imposables n’ont pas été déclarés. Ainsi, l’existence de l’action judiciaire paraît indépendante de la décision judiciaire prononcée à l’issue de l’examen de la cause et la mise en œuvre du délai extraordinaire d'imposition n'est pas conditionnée au sort de cette action judiciaire. Toutefois, l’administration fiscale, lorsqu’elle entend se fonder sur cette disposition, ne peut omettre de tenir compte de la décision définitive rendue par le juge pénal dans la mesure où celle-ci influence le redressement fiscal envisagé, ou opéré. La procédure judiciaire dont question peut concerner un tiers, et pas nécessairement le contribuable visé.

L’administration fiscale soutient souvent que l’article 358, §1er, 3° du C.I.R. 1992 n’implique pas que la preuve de l’existence de revenus non déclarés soit rapportée par l’action judiciaire elle-même. Il suffirait que cette action révèle des faits permettant à l’administration fiscale de prouver que des revenus n’auraient pas été déclarés, à l’aide des moyens légaux de preuve à sa disposition. Tel n’est toutefois pas le prescrit de l’article 358, §1er, 3° du C.I.R. 1992, qui exige que l’action judiciaire fasse apparaître que « des revenus imposables n’ont pas été déclarés » (alors qu’ils auraient du l’être), au cours d’une des cinq années qui précèdent celle de l’intentement de l’action.

Quoi qu’il en soit, il faut rappeler que l’article 358 du C.I.R. 1992 ne crée en effet pas un nouveau mode de preuve en matière fiscale : il organise uniquement un délai spécial de taxation. Les pouvoirs d’investigation dont dispose l’administration fiscale sont limités dans le temps et ne peuvent, en tout état de cause, jamais excéder 7 ans, à compter du 1er janvier de l’année qui désigne l’exercice d’imposition pour lequel l’impôt est dû, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent remonter au-delà des revenus perçus au cours des 6 dernières années. Les délais extraordinaires d’imposition visés à l’article 358 du C.I.R. 1992 n’octroient précisément aucun pouvoir d’investigation supplémentaire à l’administration, ni ne font renaître ces pouvoirs d’investigation au cas où ceux-ci sont entretemps expirés. Aussi, si l’administration n’est plus en droit d’exercer ses pouvoirs d’investigation au moment où elle obtient d’avoir accès au dossier répressif, elle ne pourra imposer le contribuable que si le dossier répressif contient lui-même l’ensemble des éléments nécessaires à l’établissement de l’impôt qu’elle entend établir. L’administration fiscale tente toutefois souvent de palier à cette difficulté en utilisant, pour établir l’impôt, la méthode de la taxation sur base de signes et indices d’une aisance supérieure à celle que révèlent les revenus déclarés.

L’article 358, § 1er, 3°, du C.I.R. 1992 implique ensuite que ce soit l’action judiciaire invoquée par l’administration fiscale qui lui ait fait apparaître l’existence de revenus taxables qui n’auraient pas été déclarés au cours des 5 années précédant celle de son intentement. Tel n’est pas le cas s’il s’avère que l’administration fiscale était en réalité déjà en possession d’éléments probants quant à ce avant même d’avoir eu accès à, ou connaissance de l’action judiciaire qu’elle invoque.

L’article 358, § 1er, 3°, du C.I.R. 1992 énonce enfin que, pour être applicable, l’action judiciaire doit faire apparaître que des revenus imposables n’auraient pas été déclarés au cours d’une des 5 années qui précèdent celle de l’intentement de l’action. Sont donc visées, les 5 années au cours desquelles les revenus imposables auraient dû être inscrits par le contribuable concerné dans sa formule de déclaration fiscale (à savoir, l’exercice d’imposition), et non pas les 5 années durant lesquelles ces revenus ont été recueillis par le contribuable (à savoir, la période imposable). En matière pénale, l’intentement de l’action correspond, soit à l’ouverture d’une information par le Ministère public, soit au réquisitoire de mise à l’instruction. L’administration fiscale soutient toutefois souvent, de manière extensive et en violation du principe de l’interprétation stricte de la loi fiscale, que l’article 358, § 1er, 3°, du C.I.R. 1992 permettait aussi d’imposer les revenus non déclarés après l’intentement de l’action. Telle interprétation va à l’encontre même du texte légal et ne peut être admise.

Le contribuable interpelé par le fisc, à qui il serait par hypothèse reproché de ne pas avoir déclaré des sommes qu’ils auraient reçues dans le cadre du « footgate » sans les avoirs déclarées aura tout intérêt à examiner avec attention la manière dont l’administration a « utilisé » les éléments issus du dossier judiciaire aux fins de fonder la taxation qui lui serait opposée. Qu’il s’agisse de contester la procédure mise en œuvre, ou d’entamer avec le fisc une discussion dans l’optique d’aboutir à un règlement transactionnel du litige.

Cette discussion, qui s’initiera la plupart du temps au stade de la demande de renseignements, voire de l’avis de rectification (ou la notification d’imposition d’office), sera également l’occasion de faire valoir les éventuelles observations du contribuable quant à la régularité de la prise d’accès par l’administration fiscale au dossier répressif. La qualification des revenus imputés au contribuable dans le cadre de la rectification pourra ensuite être abordée. A priori, l’on peut anticiper une taxation au titre de revenus professionnels, avec le cas échéant un volet TVA à la rectification, voire une rectification de la situation sociale du contribuable. Telle qualification devrait pouvoir être remise en cause au profit d’une qualification au titre de revenus divers si la « commission » prétendue est imputée à un non professionnel. En cette hypothèse, le taux distinct de 33% devrait pouvoir être revendiqué, et non le tarif progressif par tranches de l’impôt des personnes physiques. La discussion pourra également porter sur fixation de la base imposable à l’impôt, ou encore sur les pénalités que le fisc entendrait infliger au contribuable, et dont le tarif peut dans certaines hypothèses s’élever à 200% du montant de l’impôt dû… ce qui a aussi une incidence sur la date de prise de cours des intérêts de retard.

Certains des contribuables concernés s’interrogeront enfin sur la possibilité d’encore mettre en place, à ce stade, une procédure de régularisation fiscale. L’on rappellera utilement que la régularisation fiscale de manière générale est sans effet (c’est-à-dire qu’elle ne confère aucune immunité, ni sur le plan répressif, ni sur le plan fiscal) si, avant l’introduction de la déclaration-régularisation, le déclarant a été informé par écrit d’actes d’investigation spécifiques en cours par un service judiciaire belge, par une administration fiscale belge, une institution de sécurité sociale ou un service d’inspection sociale belge, ou encore le SPF Economie. Une simple demande de renseignements suffit. Il en est de même, sur le plan pénal, en cas d’information ou d’instruction judiciaire. De tels actes n’étant pas toujours connus de celui qui en fait l’objet, cela peut conduire à des difficultés pour le régularisant qui aurait déposé son dossier sans savoir qu’il fait l’objet d’actes d’investigation sur le plan judiciaire. Le texte prévoyant que le contribuable doit avoir été informé par écrit, nombreux en déduisent qu’une instruction ou une information pénale, même secrète et dont le contribuable n’aurait pas été avisé par écrit, ne semble pas priver le contribuable du droit de régulariser avant toute notification écrite de l’autorité concernée. Il va de soi que tout risque particulier de notification implique alors le dépôt le plus rapidement possible de la demande de régularisation fiscale.

L’intérêt du contribuable est donc à l’évidence d’être bien préparé et conseillé dès l’entame du contrôle fiscal, voire même avant d’être informé de l’existence de ce contrôle, aux fins d’examiner sans tarder les différentes possibilités qui lui sont ouvertes et de mettre en place, au bon moment, les démarches utiles en fonction de la stratégie retenue.

Auteur : Jonathan Chazkal

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