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Précisions sur le régime belge des transferts intra-groupe

Le régime

Le régime de transfert intra-groupe prévu à l’article 205/5 CIR 92 a été établi par la réforme de l’impôt des sociétés de décembre 2017 (loi du 25 décembre 2017).

Ce régime permet à une société en bénéfice (la « société transférante ») de transférer son résultat imposable à une autre société du groupe en déficit (la « société bénéficiaire »). La société transférante peut alors compenser directement ses bénéfices grâce aux pertes de la société bénéficiaire.

La société bénéficiaire perd toutefois le bénéfice fiscal de la déduction de ses pertes et la société transférante doit donc lui verser une indemnité équivalente à l’économie d’impôt qu’elle a obtenue par ce transfert (article 205/5, §3, al.4 CIR 1992).

Fiscalement, cette indemnité est considérée comme une dépense non admise dans le chef de la société transférante et comme un produit exonéré sur le plan fiscal dans le chef de la société bénéficiaire.

Les conditions requises pour bénéficier de ce régime sont les suivantes :

  • Il doit s’agir de sociétés résidentes ou établies dans l’Espace économique européen
  • Les sociétés doivent être liées, c’est-à-dire que l’une des sociétés doit disposer d’au moins 90% des parts dans le capital de l’autre société. Il doit s’agir d’une participation directe, les participations indirectes étant écartées.
  • Le lien d’interdépendance doit avoir lieu pendant une période ininterrompue d’au moins cinq ans à compter du « premier janvier de la quatrième année civile précédant l’année civile dont le millésime désigne l’exercice d’imposition » (article 205/5, §2, al.3 CIR 92). Par exemple, si deux sociétés veulent faire application d’un transfert intra-groupe pour l’exercice d’imposition 2021, elles doivent être liées de manière ininterrompue depuis le 1er janvier 2017, et le rester jusqu’au 31 décembre 2021 au moins.
  • Les sociétés doivent avoir des périodes imposables identiques
  • Les sociétés ne peuvent être soumises à un régime fiscal dérogatoire et ne peuvent mettre un bien immobilier ou d’autres droits réels sur un tel bien à disposition de dirigeants d’entreprise ou de personnes liées à ceux-ci (article 205/5, §2, al.8 CIR 92).

Lors d’une question parlementaire posée à la fin de l’année dernière (question n°12 de Steven Matheï du 29 octobre 2020, QRVA n° 55-31, p. 219), le ministre des Finances a précisé la portée de la condition d’interdépendance pour certaines situations bien particulières.

Transfert des actions au sein d’un groupe

A détient B à hauteur de 90%. A son tour, B détient C à hauteur de 90%.

La société C est ensuite vendue en totalité à la société A, ce qui implique que la relation mère-fille entre B et C est convertie en une relation de sociétés sœurs.

Il était déjà admis dans la pratique que la période acquise entre B et C n’est pas interrompue par ce changement de rapport, puisque la notion de sociétés « liées » vise tant les relations des sociétés mères-filles que des sociétés sœurs. Le ministre a confirmé cette position.

Nouvelle société créée à la suite d’une fusion ou scission et disposition roll over

L’article 205/5, §2, al.4 CIR 92 prévoit un roll over de la condition d’interdépendance pour les sociétés nouvellement créées à la suite d’une fusion par constitution d’une nouvelle société, d’une scission par constitution d’une nouvelle société, d’une scission mixte ou d’une opération y assimilée. La nouvelle société doit reprendre tout ou partie du patrimoine de la société transférante.

Dans cette situation, la nouvelle société est assimilée à la société transférante pour l’appréhension de la période de 5 ans.

Imaginons une société A qui détient une société B à 90%. La société B procède à une scission par constitution d’une nouvelle société C à qui elle fait un apport d’une de ses branches d’activité.

Entre A et C, la société C est assimilée à la société B pour appréhender la condition d’interdépendance. Cette position est confirmée par le ministre.

Entre B et C, le ministre semble d’abord affirmer qu’il n’est pas requis d’attendre la période ininterrompue de 5 ans pour pouvoir appliquer le régime de transfert intra-groupe, ce qui permettrait à C de le faire dès les premières années qui suivent sa constitution.

Mais le ministre rajoute qu’il faut que le patrimoine de C remplisse « également la condition de sociétés liées ». Faut-il comprendre que B doit avoir été constituée au moins 5 ans avant la scission ? En effet, le patrimoine de la société C provient de la société B. En tout cas, aucune période n’est mentionnée par le ministre.

L’exposé des motifs explique que le but de la disposition roll over est de neutraliser les conséquences fiscales négatives qu’une restructuration d’un groupe pourrait avoir (EdM, Doc. Parl., Chambre, 2017-2018, n° 54-3147/001, p. 33).

Cela étant, on peut alors affirmer qu’il n’y aurait pas de période particulière puisque préalablement à la scission, B et C n’était qu’une seule et même société, qui utilisait déjà ses pertes afin de diminuer sa base imposable. Cette interprétation de la disposition roll over éviterait des conséquences fiscales négatives au fait de scinder la société B et de restructurer le groupe, ce qui répond à l’intention du législateur.

Dès lors, l’article 205/5, §2, al.4 CIR 92 permet à B et C de procéder à un transfert intra-groupe dès la première année de la constitution de C, même si B n’existait pas au 1er janvier de la quatrième année civile précédant l’année civile dont le millésime désigne l’exercice d’imposition durant lequel le transfert a lieu. Par exemple, pour une scission qui aurait eu lieu lors de l’année 2021, B et C pourront faire un transfert intra-groupe déjà en 2022, même si B n’existait pas encore au 1er janvier 2017.

Disposition roll over négative

Une décision du Service des décisions anticipées a été rendue le 1er décembre 2020 (décision anticipée n° 2020.1852) concernant une société A, mère à 100% de la société B, qui avait conclu avec cette dernière une convention de transfert intra-groupe.

La société A voulait opérer un transfert pour l’exercice d’imposition 2020, la condition d’interdépendance étant remplie si les sociétés restaient liées jusqu’au 31 décembre 2020.

En 2020, la société A souhaite opérer une fusion par absorption de sa sœur C. Cette dernière n’a aucun lien avec la société B.

Le SDA confirme tout d’abord que, pour l’exercice d’imposition 2020 (revenus 2019), le transfert intra-groupe reste possible, la fusion n’ayant lieu que l’année suivante.

Toutefois, pour les exercices d’imposition ultérieurs, le SDA estime que la condition d’interdépendance doit redémarrer de zéro, puisque B et C n’avait aucun lien avant la fusion, ce qui « contamine » A par la fusion A-C. Cette disposition roll over négative est prévue à l’article 205/5, §2, al.5 CIR 92. Aucun transfert intra-groupe ne pourra donc avoir lieu à partir de l’exercice d’imposition 2021 et jusqu’à ce que les 5 années ininterrompues ne soient écoulées.

Après une bonne année de pratique, la timide consolidation fiscale de notre droit belge reste conditionnée à des critères stricts et quelques éclaircies supplémentaires seront probablement apportées dans le futur.

Laure VANDE PUTTE

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