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Auteur : Tristan Krstic

L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme : applicable en matière fiscale pour les sanctions.

Dans un arrêt du 23 novembre 2006, la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme a jugé que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales s’appliquait à une procédure fiscale administrative en vertu de laquelle un contribuable finlandais s’est vu infliger un redressement fiscal au titre de la T.V.A. et une majoration d’impôt et ce sans qu’une audience publique n’ait été tenue préalablement.

L’article 6 contient les règles du procès équitable, dont le droit d’accès à un tribunal, la présomption d’innocence, le principe du contradictoire et le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

En principe, l’article 6 de ladite Convention n’est pas applicable à la procédure administrative fiscale sous son angle civil. Les litiges portant sur l’imposition proprement dite sont exclus du champ d’application de l’article 6.

Les majorations d’impôt et les accroissements sont toutefois fondés sur des normes poursuivant un but à la fois préventif et répressif. Cette considération suffit à elle seule à conférer un caractère pénal à une procédure.

La Cour a ainsi jugé que l’article 6 était applicable en l’espèce. Toutefois, la Cour n’a pas jugé que la Finlande avait violé cette disposition. En effet, même si la tenue d’une audience publique constitue un principe fondamental consacré par l’article 6 § 1er de la Convention et que ce principe revêt une importance particulière en matière pénale, où il doit y avoir un tribunal de première instance répondant aux exigences de l’article 6 (et où un justiciable peut légitimement exiger d’être entendu et de bénéficier de la possibilité d’exposer oralement ses moyens de défense, d’entendre les dispositions à sa charge, d’interroger et de présenter sa défense), cette obligation n’est pas absolue.

Selon la Cour, une telle audience publique n’est pas exigée dans les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur base de conclusions présentées par les parties et d’autres pièces.

La Cour a également précisé qu’en matière pénale, les tribunaux saisis peuvent, en raison de la nature des questions qui se posent, se dispenser de tenir une audience.

Selon la Cour, les majorations d’impôt ne font pas partie du noyau dur du droit pénal et les garanties offertes par le volet pénal de l’article 6 ne doivent pas nécessairement s’appliquer dans toute leur rigueur.

Quelle conclusion pourrait-on tirer de cet arrêt ?

La Cour confirme l’application du droit à un procès équitable pour ce qui concerne les amendes et accroissements en matière fiscale. Ainsi, a priori, l’administration doit entendre tout assujetti avant de lui infliger une amende proportionnelle de 200 % lorsqu’elle estime qu’il y a eu une intention d’éviter l’impôt. En effet, les questions de crédibilité sont au cœur du débat dans ces cas. De plus, l’importance de la sanction joue également un rôle important aux yeux de la Cour pour jugé si l’article 6 précité doit s’appliquer.

Même si les assujettis ont le droit d’introduire une procédure devant le tribunal de première instance par requête unilatérale, ils le font en tant que « condamnés » et demandeurs, puisque la sanction leur a déjà été infligée.

De plus, la Cour de cassation a confirmé récemment (deux arrêts du 16 février 2007) que les tribunaux n’ont pas le pouvoir de statuer en opportunité d’une amende ou en vertu de leur pouvoir d’appréciation subjective.

Les assujettis qui se voient infliger une amende proportionnelle de 200 % ne bénéficient dès lors pas des garanties que leur offre l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Auteur : Tristan Krstic
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