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De combien de jours disposez-vous pour répondre à un avis de rectification ?

Il existe de nombreuses cotisations, datant des années nonante ou mêmes antérieures, dont les réclamations et recours judiciaires n’ont pas encore été tranchés. Elles sont en train de dépérir au sein des services de l’administration fiscale ou dans les archives moisies des Palais de Justice dans tout le pays.

Or, il est temps d’exhumer ces vieux dossiers et de réétudier la procédure de taxation, car il est possible que vous vous en sortiez avec un argument de procédure !

La Cour constitutionnelle a, en effet, prolongé de trois jours (ouvrables) le délai attribué au contribuable pour répondre à un avis de rectification. Selon la Cour, ce n’est qu’après l’écoulement de ce délai prolongé que l’administration a le droit d’établir la cotisation prévue dans l’avis de rectification. Des cotisations établies sans respecter le délai prolongé de réponse et sont donc définitivement nulles.

L’ancien article 346 du CIR prévoyait qu’ « un délai d’un mois à compter de l’envoi de cet avis » était laissé au contribuable pour faire valoir ses observations par écrit. Ceci impliquait concrètement que le délai de réponse du contribuable commençait à courir à un moment où ce dernier ne connaissait pas encore l’avis, ce dernier n’étant pas encore arrivé à destination.

La Cour constitutionnelle a estimé que les droits du contribuable sont mieux garantis et la sécurité juridique pleinement assurée si le délai d’un mois commence à courir « le troisième jour qui suit celui auquel l’avis de rectification a été remis au service de la poste ». Dans ce cas, le délai de réponse du contribuable est réellement d’un mois puisqu’il commence à courir à dater du jour où le courrier est présumé arrivé à destination.

Ainsi, la Cour constitutionnelle applique à la procédure administrative la « théorie de réception » déjà en vigueur pour le calcul de bon nombre d’autres délais et expressément reconnue en décembre 2005 dans le Code judiciaire.

Le législateur a pressenti venir la décision de la Cour et a modifié l’article 346 du Code de l’Impôt sur les Revenus quelques jours après le prononcé de la Cour constitutionnelle. Le texte légal dispose maintenant qu’ « un délai d’un mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit l’envoi de cet avis » est laissé au contribuable pour faire valoir ses observations. Ainsi, la sécurité juridique est garantie pour tous les avis de rectification envoyés à partir du 7 juin 2010.

Si le problème est bien résolu pour le futur la question mérite d’être posée pour bon nombre d’anciennes cotisations pour lesquelles la procédure de taxation a été entamée à la dernière minute (le pourcentage de cotisations établies entre le 20 et le 31 décembre de chaque année étant étonnamment élevé). La règle d’équité que la Cour Constitutionnelle a instaurée implique que tout avis de rectification envoyé le 28 novembre ou plus tard, est d’office tardif et entraîne la nullité de la cotisation établie en conséquence.

La pratique juridique aura encore pleinement l’occasion de se pencher sur les avis de rectification envoyés les 25, 26 et 27 novembre (en fonction des jours de weekend), la Cour constitutionnelle demandant qu’un délai de « trois jours » soit respecté, tandis que le nouvel article 346 du Code des Impôts sur les Revenus (tant que le Code judiciaire) fait valoir un délai de « trois jours ouvrables ».

A notre avis, le fisc devra s’incliner sur ce point également, la poste ne travaillant pas le week-end. Ainsi, si on accepte que le délai commence à courir trois jours après l’envoi et non pas trois jours ouvrables après celui-ci, on crée en effet une distinction entre, d’une part, les contribuables auxquels un avis de rectification a été envoyé le vendredi 27 novembre et pour lesquels le délai de réponse commence à courir le premier jour à partir duquel ils ont reçu l’avis (à savoir le lundi 30) et, d’autre part, les contribuables qui sont les destinataires d’un avis de rectification envoyé les lundi ou mardi 27 novembre et pour lesquels le délai de réponse ne commence réellement à courir que le troisième jour suivant celui à partir duquel ils peuvent réceptionner l’avis (à savoir le jeudi ou vendredi 30). S’ils veulent disposer d’un même délai de réponse, les premiers contribuables doivent espérer que l’avis soit délivré le lendemain de son envoi, tandis que pour les derniers, le courrier peut traîner deux jours avant d’atteindre sa destination. Si le critère est celui de la sécurité juridique du citoyen – tel que posé par la Cour constitutionnelle – il nous semble que seul le critère de « trois jours ouvrables » puisse être compatible avec le principe constitutionnel et mette tous les contribuables véritablement sur pied d’égalité.

D’anciennes cotisations, pour lesquelles la procédure de rectification a été entamée fin novembre, méritent donc d’être analysées une fois de plus.

L’administration fiscale ne semble pas accepter le principe de « la rétroactivité » de l’arrêt de la Cour constitutionnelle en tant que telle. Elle est d’opinion que cet arrêt ne devrait valoir que pour les procédures de taxation futures, pour lesquelles l’article 346 du Code de l’Impôt sur les Revenus a, entre-temps, créé une base légale. Elle souhaite en revanche soustraire les vieilles cotisations, établies sans respect du délai de réponse d’un mois et trois jours (ouvrables), à l’effet rétroactif de l’arrêt précité de la Cour constitutionnelle, ce qui le rendrait dépourvu de tout sens.

L’administration fiscale a soumis à la Cour constitutionnelle une nouvelle question préjudicielle en la matière, au mois de septembre dernier. A notre avis, cette bataille est perdue et la nouvelle démarche sera vaine également.

En conclusion, la prudence est de mise: il serait périlleux d’appliquer le raisonnement développé ci-dessus sans nuances à toutes les dispositions prévoyant des délais fiscaux. En effet, dans un arrêt récent la Cour Constitutionnelle a encore décidé que le délai pour l’introduction d’une action en justice peut valablement commencer à courir le lendemain du premier jour ouvrable suivant le jour de l’envoi de la décision directoriale. Il convient donc de rester prudent et de garder un calendrier sous la main !

Auteur : Sylvie Van Herreweghe
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