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Auteur : Mikaël GOSSIAUX

Avertissement-extrait de rôle et force exécutoire à l’encontre de tiers

Il n’est pas rare de voir les associés de sociétés à responsabilité illimitée et solidaire poursuivis par le fisc pour les impôts dus par leurs sociétés.

Pour justifier cette action, l’administration fiscale se fonde généralement sur l’avertissement-extrait de rôle établi au seul nom de la société. Concrètement, elle poursuit donc le recouvrement de la dette d’une personne à l’encontre d’une autre, sans même estimer devoir produire un titre exécutoire propre à cette dernière.

Cette attitude introduit la délicate question de la force exécutoire de l’avertissement-extrait de rôle.

Ce document est un titre que l’administration se délivre à elle-même, en raison de son privilège du préalable. En effet, cette prérogative lui permet de poursuivre le recouvrement de l’impôt par la simple inscription au rôle du nom du contribuable et de la somme due. Il appartient alors à ce dernier de contester l’impôt par l’introduction des voies de recours administratives et judiciaires.

Concernant la force exécutoire de ce titre, le Conseil d’état a très justement comparé l’avertissement-extrait de rôle à un jugement. Certes, les jugements ont des effets vis-à-vis des tiers, qui ne peuvent en méconnaître l’existence et le contenu. Toutefois, comme le précise la Cour de cassation dans sa jurisprudence, ces décisions ne peuvent produire d’obligations directement à charge des tiers.

Cette conclusion est de bon sens. Ne serait-il pas inconcevable qu’un commerçant poursuive l’exécution d’un jugement à l’encontre de l’associé de la société condamnée ? Cette action ne pourrait, à l’évidence, se justifier qu’en cas de condamnation de l’associé lui-même, ce qui constituerait un titre exécutoire distinct. Cette solution doit être appliquée mutatis mutandis pour l’avertissement-extrait de rôle. Dès lors, ce document ne pouvant créer, sauf dérogation légale, d’obligations directement à charge de tiers, la conclusion est certaine : l’administration ne peut recouvrir l’impôt enrôlé au nom d’une société à l’encontre de ses associés sans obtenir, au préalable, un titre exécutoire distinct.

Appliquant ces principes, la jurisprudence a, à de multiples reprises, fait droit aux actions intentées par les contribuables. Dans un jugement inédit du 24 janvier 2007, le Tribunal de première instance de Bruxelles a encore confirmé cette analyse en jugeant : « le receveur ne peut exiger le payement des cotisations litigieuses établies au nom de la SCRIS sur base du rôle, qu’à charge de cette société […]. En conséquence, le rôle établi au nom de la société ne constitue pas un titre exécutoire permettant valablement au receveur d’exiger le payement des impôts enrôlés au nom de cette société, à la charge » de son associé.

Acculée par cette jurisprudence condamnant une pratique administrative trop courante, c’est presque contrainte et forcée que l’administration doit maintenir sa position. Dans le cas contraire, elle serait, compte tenu des délais écoulés, bien en peine de se constituer un titre exécutoire valable à l’encontre de l’associé et devrait, en pratique, renoncer au recouvrement de l’impôt.

A n’en pas douter, l’administration des finances n’est pas prête à se sacrifier sur l’autel des droits du contribuable, elle a donc décidé de porter l’affaire devant la Cour de cassation.

Toutefois, compte tenu de l’unanimité de la jurisprudence et de la doctrine, on peut espérer que la Cour de cassation donne raison au contribuable et que la position administrative soit définitivement jetée aux oubliettes des aberrations fiscales…

Auteur : Mikaël GOSSIAUX
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