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Pas de dividendes imposables sans mise à disposition de capitaux

Le 27 novembre 2024, le Tribunal de première instance de Bruxelles a rendu une décision particulièrement éclairante en matière de distribution réalisée par une entité étrangère.

➢ Faits et antécédents

La procédure de taxation entamée par l’administration fiscale trouve son origine dans une notification adressée par la Cellule de traitement des informations financières au Parquet de Bruxelles. Ce dernier a dès lors ouvert un dossier judiciaire à charge d’une structure juridique étrangère ainsi que d’une contribuable belge.

L’administration fiscale (Inspection spéciale des impôts - ISI) a pris connaissance du dossier judiciaire et a constaté qu’une structure étrangère (International Business Company) localisée aux Bahamas a versé un montant total d’approximativement 700.000€ sur le compte bancaire d’un notaire belge dans le cadre de l’acquisition d’un appartement, ainsi que sur les comptes d’entrepreneurs belges pour la rénovation du bien acquis.

Sur la base de ces informations, l’ISI a adressé à la contribuable belge un avis de rectification de sa déclaration fiscale pour les années visées afin que les montants versés par la société bahaméenne, considérée comme une construction juridique au sens de la législation sur la taxe caïman, soient imposés au titre de dividendes dans le chef de la contribuable.

➢ Argumentaires des parties

Cette imposition en tant que dividendes se voulait fondée en application de l’article 18, 3° CIR/92, lequel prévoit que certains montants attribués ou mis en paiement par une construction juridique doivent être considérés comme des dividendes et imposés comme tels.

Selon le raisonnement tenu par l’ISI, la taxation en tant que dividendes ne requiert aucun lien particulier entre la construction et le bénéficiaire des distributions.

Partant, il n’est pas pertinent de prendre en considération le fait que le seul et unique bénéficiaire de la construction bahaméenne est le père (résident français) de la contribuable belge. Cette dernière, elle, n’est pas bénéficiaire de la construction juridique et n’a pas mis de capital ou de biens mobiliers à la disposition de la société étrangère.

Par contraste, l’argumentaire avancé par la contribuable belge est radicalement opposé et repose sur l’art. 17 §1er CIR/92. Ce dernier article dispose que « Les revenus des capitaux et biens mobiliers sont tous les produits d'avoirs mobiliers engagés à quelque titre que ce soit, à savoir : 1° dividendes (…) ».

Partant, en l’absence d’avoirs mobiliers engagés par la contribuable belge, il ne saurait être question d’un dividende perçu dans son chef.

Cet argumentaire ne sera cependant pas suivi lors de la phase de réclamation par le conseiller général de sorte que le litige devra être porté devant le TPI francophone de Bruxelles.

➢ Décision du Tribunal de première instance de Bruxelles

C’est sur la base d’un raisonnement fondé sur une lecture conjointe de l’article 18 al. 1er 3° CIR/92 et de l’art. 17 §1er CIR/92 que le Tribunal va donner raison à la contribuable belge et annuler les cotisations d’impôt contestées.

De cette lecture conjointe, il résulte qu’une distribution par une société, qu’elle soit d’ailleurs considérée comme une construction juridique ou non au sens de la taxe caïman, sera uniquement susceptible d’être qualifiée de distribution de dividende dans le chef de la personne qui détient une participation dans cette société.

Il en résulte que, c’est uniquement dans le chef du détenteur d’une participation, soit d’une personne ayant engagé des avoirs mobiliers à quelque titre que ce soit, que la notion de dividende pourrait être retenue en vue de qualifier un montant perçu.

Cette décision est intéressante en ce qu’elle rappelle certains principes et notamment qu’il convient de percevoir un système juridique comme un ensemble cohérent et idéalement harmonieux de règles et non pas, simplement, comme une collection de normes disparates.

En effet, le législateur a rendu certaines distributions attribuées ou mises en paiement par une construction juridique à un contribuable belge taxables mais sans pour autant rendre toutes distributions, en tant que telles, imposables, abstraction faite des caractéristiques intrinsèques à tous revenus mobiliers.

Cette jurisprudence est bienvenue en ce qu’elle rappelle que l’existence d’une construction juridique ne suffit pas à considérer que tout montant versé par cette dernière constitue, sans distinction, un revenu imposable.

Partant, pour que l’existence d’un revenu mobilier imposable puisse être considérée, il est primordial de constater qu’il s’agit effectivement d’une contrepartie en vue de rémunérer la jouissance d’un capital mis à la disposition du débiteur et, en outre, uniquement dans le chef de la personne ayant mis le capital à la disposition.

L’administration fiscale a interjeté appel à l’encontre de cette décision et il ne peut qu’être espéré qu’un raisonnement similaire sera retenu en seconde instance.

Julien LE BRUN

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