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Taxation des plus-values internes : point de la situation

Un projet de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus en vue de le mettre en concordance avec la directive européenne concernant le régime fiscal des fusions modifie l’article 90, relatif aux revenus divers et remplace son 9° visant désormais : « les plus-values sur actions ou parts qui sont réalisées à l’occasion de la cession à titre onéreux de ces actions ou parts, en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle, à l’exclusion des opérations de gestion normale d’un patrimoine privé (…) ».

De telles plus-values seront donc taxables, au titre de revenus divers, au taux de 33%.

L’exposé des motifs du projet mentionne que cette nouvelle disposition dans l’article 90, « a uniquement pour but de faciliter le renvoi à ce type de revenus divers en rassemblant toutes les règles qui s’y appliquent » et « ne vise pas à rendre imposables les plus-values qui ne seraient pas déjà taxables le cas échéant sur base de l’article 90, 1° ».

En réalité, cette affirmation qui se veut rassurante est inexacte.

Il résulte en effet d’un important arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 2006, que nous avons déjà commenté dans les précédents numéros, que lorsqu’une personne physique cède à titre onéreux des actions ou parts d’une société et que l’opération est considérée comme excédant les limites de la gestion normale d’un patrimoine privé, l’article 90, 1°, ne permet pas de taxer la plus-value qu’elle a réalisée à l’occasion de la cession (soit l’excédent de la contrepartie obtenue par rapport au prix d’acquisition ou de souscription des actions), mais uniquement le bénéfice ou le profit qui résulte de l’opération ou de l’ensemble de l’opération sortant des limites de la gestion normale.

En pratique, cet arrêt a donc mis fin à la taxation des plus-values internes sur actions résultant de la cession, par une personne physique, des actions d’une société à un holding qu’elle contrôle .

C’est en vue de remédier à cette situation que l’administration fiscale a œuvré pour l’insertion, dans un projet de loi relatif à la transposition d’une directive européenne relative aux fusions, d’une disposition qui permet la taxation des plus-values internes.

Le procédé est discutable sur le plan légistique, et ce d’autant que l’exposé des motifs ne traduit pas la réalité lorsqu’il précise qu’il ne s’agit pas d’introduire une nouvelle taxation.

En effet, il s’agit bel et bien d’introduire une nouvelle taxation, puisqu’en vertu de la jurisprudence précitée de la Cour de cassation, les plus-values visées par l’article 90, 9°, 1er tiret (en projet) échappent, à ce jour, à toute taxation (voy. notamment Bruxelles, 4 avril 2008, 2006/AR/2901, inédit).

On notera au demeurant que le Conseil d’Etat n’a pas manqué de relever le caractère incongru de l’insertion de cette disposition dans le projet relatif à la transposition de la directive sur les fusions.

Il relève à cet égard que la disposition en question est « totalement étrangère à l’objet de l’avant-projet examiné » et précise que « si l’auteur du projet veut soumettre au parlement un projet modifiant la détermination de la base imposable dans certains cas de cession d’actions ou parts excédant les limites de la gestion normale d’un patrimoine privé, ce qui est sans rapport avec l’avant-projet à l’examen, il faut qu’il omette le texte du premier tiret de l’article 90, 9°, en projet et qu’il consacre à cette question un projet de loi distinct modifiant l’article 90, 1°, du CIR 92, tout en faisant précéder ce projet d’un exposé des motifs de nature à éclairer le Parlement sur sa portée réelle » (Avis du Conseil d’Etat).

Le Conseil d’Etat ajoute que ce serait sans doute l’occasion de préciser dans la loi dans quels cas les cessions internes doivent être considérées comme excédant les limites de la gestion normale d’un patrimoine privé, de manière à rétablir la sécurité juridique dans ce domaine, étant précisé que la solution adoptée depuis octobre 2005 est dénuée de fondement légal.

Il s’agit ici d’une référence à la position que le ministre des Finances a adoptée en octobre 2005 en réponse à une question parlementaire.

On se souviendra que le ministre avait fait valoir dans cette réponse que les plus-values qu’une personne physique réalise lors de l’apport à son propre holding d’une participation dans une société ne doivent pas être considérées comme des revenus divers, pour autant que certaines conditions soient remplies (notamment que l’apport soit rémunéré exclusivement en parts sociales de la société holding et qu’aucune réduction de capital de la société holding n’intervienne pendant une période de trois ans à compter de l’apport, etc.).

Depuis le mois d’octobre 2005, le service des décisions anticipées applique systématiquement, sans base légale, cette « doctrine ministérielle », comme la qualifie le Conseil d’Etat.

On ne peut que se réjouir que le Conseil d’Etat partage l’analyse d’une importante tendance doctrinale au sujet de la position administrative en la matière (cf. Th. AFSCHRIFT, « Le respect du principe de la légalité de l’impôt par le service des décisions anticipées », R.G.C.F., 2008/6, pp. 444 et s.)

Il n’en reste pas moins que le Conseil d’Etat n’a pas été suivi dans ses recommandations.

Il n’y a en définitive que sa remarque relative à la rétroactivité de la mesure qui ait été prise en considération: la disposition actuelle prévoit que la nouvelle mesure sera applicable aux opérations effectuées à partir du jour de la publication de la loi au Moniteur belge, et non plus, comme initialement prévu, aux cessions réalisées à partir du 1er janvier 2007.

C’est déjà ça…

Thème : Les plus-values Auteur : Pascale Hautfenne
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