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Droits de mutation par décès : condamnation de la Belgique par la Cour de Justice des Communautés européennes

Dans l’avant-dernier numéro, nous vous informions que la question de la compatibilité du régime belge des droits de mutation par décès avec le droit communautaire était soumise à l’examen de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE).

Lorsque le défunt est résident étranger lors de son décès, seuls les immeubles dont il est propriétaire et qui sont situés en Belgique, sont soumis au « droit de mutation par décès » sans possibilité de déduction des dettes y afférentes.

En revanche, si le défunt est un habitant du Royaume, l’universalité de ses biens est soumise aux droits de succession, quelque soit le lieu de leur situation, le tout après déduction des dettes.

La Cour d’appel de Gand a posé la question préjudicielle suivante à la CJCE : les dispositions du Traité de Rome, en particulier celles relatives à la libre circulation des capitaux, s’opposent-elles à une législation nationale relative à l’imposition des successions, en l’espèce la législation belge, en vertu de laquelle pour déterminer l’assiette imposable à l’impôt dû sur l’acquisition par succession d’un bien immeuble situé sur le territoire de la Belgique, il est permis de prendre en compte certaines charges, telles que des dettes garanties par le droit conféré à un créancier de prendre hypothèque sur ce bien immeuble si, au moment du décès, la personne dont le bien immeuble est hérité résidait en Belgique, mais pas si cette personne résidait dans un autre Etat membre ?

Pour rappel, aux termes de son avis, l’Avocat général avait considéré que la législation fiscale belge visée était incompatible avec les dispositions du Traité CE relatives à la libre circulation des capitaux.

La CJCE vient de se ranger à cet avis aux termes d’un arrêt rendu le 11 septembre 2008.

La Cour constate qu’il y a bien une restriction à la libre circulation des capitaux dès lors que la réglementation fiscale belge a pour effet de diminuer la valeur de la succession d’un non-résident du Royaume. Il résulte, en effet, que celle-ci est soumise à une imposition plus élevée que celle qui serait due si le bien immeuble était acquis par la succession d’une personne résidant en Belgique, au moment de son décès.

La Cour examine ensuite la question de savoir si une telle restriction est susceptible d’être justifiée, soit que la différence de traitement constatée se rapporte à des situations qui ne sont pas objectivement comparables, soit par une raison impérieuse d’intérêt général (articles 56 et 58 du Traité CE).

Concernant le critère de comparabilité, la Cour rappelle que lorsqu’un Etat membre a décidé d’appliquer une forme particulière d’impôt aux successions des non-résidents aussi bien qu’à celles des résidents, cela implique qu’il n’existe aucune différence de situation objective entre lesdites successions pouvant justifier une différence de traitement au regard des déductions liées à cette imposition.

La Cour rejette ensuite l’argument invoqué par l’Etat belge, au titre de raison impérieuse d’intérêt général, et tiré de la circonstance que la prise en compte de la dette grevant l’immeuble situé en Belgique pourrait aboutir à une double déduction, en Belgique et dans le pays de résidence du défunt.

L’Etat membre dans lequel le bien immeuble est situé et faisant l’objet de la succession ne saurait se prévaloir de l’existence d’une possibilité, indépendante de sa volonté, d’octroi d’un crédit d’impôt par l’Etat membre de résidence du défunt, qui pourrait compenser, en tout ou en partie, le préjudice subi par les héritiers du défunt en raison de la non-déductibilité dans le premier Etat, des dettes grevant ledit bien.

L’Etat belge ne peut donc pas se prévaloir de l’existence d’un avantage concédé unilatéralement par un autre Etat membre pour s’affranchir des obligations qui lui incombent en vertu du Traité, parmi lesquelles le respect de la libre circulation des capitaux.

La CJCE en conclut que la réglementation fiscale belge applicable aux successions méconnaît le principe de la libre circulation des capitaux dans la mesure où elle ne permet pas la déductibilité des dettes grevant un bien immeuble situé sur le territoire du Royaume lorsque le défunt était, au moment de son décès, résident d’un autre Etat membre, alors que cette déductibilité est prévue lorsque le défunt était, à ce même moment, résident du Royaume.

Cette décision doit bien entendu être entièrement approuvée et nos trois Régions vont, dès lors, devoir adapter leur législation dans le sens d’une acceptation de la déductibilité d’une telle dette.

Magali MARTIN
Thème : Les droits de succession
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