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Les RDT et le report de leur excédent : le loi belge enfreint le droit européen

Les « revenus définitivement taxés » (R.D.T.) ne sont déductibles qu’à concurrence du bénéfice net de l’exercice, ce qui implique qu’en cas d’insuffisance de ce bénéfice net, la déduction, n’étant effective que pour partie, est limitée au montant de ce bénéfice et qu’en l’absence de bénéfice, la déduction des R.D.T. est intégralement et définitivement perdue.

En ce qu’ils limitent la déduction des R.D.T. au montant du bénéfice net de l’exercice et ne permettent pas de report des éventuels excédents de R.D.T., les articles 205, § 2, du C.I.R. et 77 de l’arrêté d’exécution de ce Code ne sont pas conformes aux dispositions de la Directive européenne « mère-filiale » du 23 juillet 1990.

Cette Directive vise à supprimer toute double imposition des dividendes distribués entre une société filiale établie dans un Etat membre de l’Union européenne et une société mère établie dans un autre Etat membre de l’Union. Afin de réaliser cet objectif, l’Etat membre de la filiale doit, en principe, s’abstenir de toute retenue à la source sur les dividendes que la filiale distribue. Par ailleurs, l’Etat membre de la société mère doit, en principe, s’abstenir de toute perception d’impôt sur les dividendes que recueille cette société mère.

Le choix est laissé entre deux méthodes pour assurer l’exonération d’impôt dans le chef de la société mère.

L’Etat membre de la société mère a le choix entre la méthode de l’exonération, où les dividendes perçus sont exonérés d’impôt, et la méthode de l’imputation, où l’impôt que la filiale a acquitté sur les dividendes concernés est imputé sur l’impôt que doit la société mère.

La Belgique a opté pour la méthode de l’exonération : le dividende est inclus dans la base imposable de la société bénéficiaire puis déduit de sa base imposable, à concurrence de 95 %, au titre de R.D.T. (C.I.R., art. 202, § 1er, 1°, et 204, al. 1er).

Pour reprendre les termes de l’article 4, § 1er, de la Directive de 1990, ce choix implique que la Belgique « s’abstienne d’imposer » le bénéfice que la société mère reçoit de ses filiales, sous forme de dividendes.

Ce n’est pourtant pas à cette solution qu’aboutit l’application des articles 205, § 2, du C.I.R. et 77 de l’arrêté d’exécution de ce Code : en effet, comme on vient de le voir, dans le régime actuel, la déduction de R.D.T. ne peut avoir pour effet que de réduire à zéro la base imposable de la société actionnaire, mais pas de la rendre négative.

Par conséquent, une situation de double imposition économique se révèle lorsque et dans la mesure où les dividendes déductibles sont supérieurs au bénéfice imposable avant déduction des R.D.T.

L’ensemble des décisions de jurisprudence récentes – à l’exception d’un jugement, hautement critiquable, rendu par le Tribunal de première instance de Liège – va également dans ce sens : la limitation de la déduction des R.D.T. est contraire à l’article 4, § 1er, de la Directive de 1990, puisque le dividende reçu doit être purement et simplement exclu du résultat de l’exercice, à concurrence de 95 %.

Le 24 juin 2008, la Cour d’appel d’Anvers a une nouvelle fois confirmé cette analyse, en précisant par ailleurs que les pertes reportables qui naissent d’excédents de R.D.T. peuvent encore être récupérées, même si elles n’ont pas été invoquées par le passé.

L’information est évidemment d’importance pour les nombreuses sociétés qui ont sans doute disposé, par le passé, d’excédents de R.D.T. mais qui n’ont jamais fait figurer, dans leurs déclarations fiscales successives, les pertes reportables qui en ont résulté.

Voici qui devrait, en tous cas, réjouir plus d’un contribuable et sans doute également inquiéter le fisc, à la veille d’un arrêt que la Cour de Justice des Communautés Européennes doit rendre, à propos de la compatibilité du régime belge des R.D.T. avec la Directive « mère-filiale », question dont on sait déjà que l’avocat général Sharpston y a répondu par la négative, dans ses conclusions du 8 mai 2008.

D’autant que sur la question de savoir s’il fallait limiter dans le temps les effets de l’arrêt que doit rendre la Cour de Justice, cet avocat général a émis un point de vue défavorable …

Olivier Neyrinck
Thème : L'impôt des sociétés
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