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La deuxième mort de la théorie de la « réalité économique »

On se souvient qu’au début des années 1990, et suite à la confirmation par la Cour de cassation de sa jurisprudence traditionnelle «Brepols», notamment par l’arrêt «Vieux Saint-Martin», l’administration fiscale avait obtenu le vote, en 1992, d’une «mesure générale anti-abus».

Ce texte visait à réduire, dans des cas bien précis, la possibilité pour le contribuable, de «choisir la voie la moins imposée» en accomplissant des actes volontairement dans le but d’éviter l’impôt.

La rédaction de ce texte, objet d’un compromis politique, ne permet toutefois à l’administration que d’invoquer l’inopposabilité de la qualification d’un acte accompli par le contribuable, et non de cet acte lui-même. La doctrine majoritaire avait, d’emblée, fait remarquer que cela ne permettait pas de faire revivre la théorie de la réalité économique, seule la réalité juridique étant prise en compte, puisque la loi obligeait l’administration, si elle voulait invoquer une autre qualification d’un acte, à se fonder sur une qualification respectant les effets juridiques (et non économiques) de l’acte.

Une partie de la doctrine, surtout néerlandophone, avait tenté de faire revivre la théorie de la fraude à la loi, suivant laquelle l’administration aurait pu imposer un acte ayant le même objet économique que l’acte accompli par le contribuable. Certains avaient à cette occasion invoqué sous une autre forme la théorie ancienne de la réalité économique, rejetée par la Cour de cassation.

Par un arrêt de principe important, rendu le 4 novembre 2005, la Cour de cassation a rejeté toute prétention de l’administration à cet égard en condamnant fermement et espérons le définitivement la théorie de la réalité économique.

Elle a décidé, explicitement, «qu’il découle de l’article 344, § 1er du Code comme des travaux préparatoires de la loi du 22 juillet 1993 … que seule la qualification d’un acte peut être rendue inopposable à l’administration fiscale et que celle-ci ne peut, partant, lui donner une autre qualification qu’en respectant les effets juridiques de cet acte».

En d’autres termes, l’administration ne peut substituer à un acte accompli par le contribuable, même dénué d’objectifs économiques, un autre acte. Elle ne peut même pas donner à l’acte accompli par le contribuable une autre qualification que celle choisie par lui, sauf dans les hypothèses, en réalité très exceptionnelles, où la qualification donnée par l’administration répondrait, elle aussi, aux effets juridiques voulus par le contribuable.

C’est donc bien là une nouvelle condamnation de la théorie de la réalité économique. La Cour de cassation reste fidèle à ses principes, suivant lesquels seule la réalité juridique peut-être invoquée. C’est un nouvel appui important pour ceux qui choisissent légalement «l’évitement de l’impôt».
Auteur : Thierry Afschrift
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