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Auteur : Tristan Krstic

Un bel exemple de l’obligation d’information pesant sur l’administration fiscale

Au cours de l’exercice d’imposition 1997, un contribuable a perçu une pension légale versée par le Fonds des maladies professionnelles à la suite d’une incapacité permanente de travail. Même si la pension ne compensait aucune perte de revenus, elle a été reprise par le contribuable dans sa déclaration. L’impôt correspondant a été enrôlé en novembre 1997.

Dans un arrêt du 9 décembre 1998, la Cour Constitutionnelle (appelée à l’époque Cour d’arbitrage) a décidé que la disposition légale sur laquelle cette imposition était fondée (article 32 bis du CIR/64 ou l’article 34, § 1er, 1° du CIR/92) violait l’article 10 de la Constitution en ce qu’il rendait imposables les indemnités versées en réparation d’une incapacité permanente en applicable de la législation sur les accidents du travail et en l’absence de perte de revenus. L’administration a ensuite publié une brochure début 2000 avertissant les contribuables de la possibilité d’introduire des demandes de dégrèvement d’office.

Dans l’affaire qui nous occupe, la réclamation introduite par le contribuable en mars 2000 a été déclarée irrecevable pour cause de forclusion. Le Tribunal de première instance de Mons, confirmant le caractère tardif de la réclamation, a néanmoins considéré que l’administration avait commis une faute car elle s’était abstenue de procéder de sa propre initiative au dégrèvement d’office ou, à tout le moins, en s’abstenant d’avertir le contribuable en question de ses droits en temps utile pour lui permettre d’introduire une demande de dégrèvement d’office. L’Etat belge s’est ainsi vu condamné au paiement de dommages et intérêts correspondant au montant du dégrèvement que le contribuable concerné était en droit d’obtenir suite à l’arrêt de la Cour Constitutionnelle, à majorer des intérêts compensatoires et judiciaires.

L’administration a interjeté appel contre ce jugement.

Dans un arrêt récent, la Cour d’appel de Mons a confirmé le jugement du tribunal de première instance considérant que l’Etat belge avait commis une faute dans l’exercice de sa fonction administrative sur base de l’article 1382 du Code civil (responsabilité extracontractuelle de manière générale).

La Cour a ainsi jugé que dès la publication au Moniteur belge de l’arrêt du 9 décembre 1998 de la Cour d’arbitrage, le ministère des Finances a nécessairement dû constater l’existence de surtaxes grevant la situation fiscale de nombreux contribuables belges.

Certes, si aucune disposition légale ne lui imposait d’accorder le dégrèvement d’office de la cotisation litigieuse, la cour d’appel estime que l’administration fiscale a commis « une erreur de conduite ou une négligence en omettant d’avertir les contribuables de leurs droits en temps utile, soit avant le 31 décembre 1999 ».

Si la cour peut parfaitement comprendre qu’il était difficile, voire impossible d’avertir individuellement entre le 19 mars 1999 et le 31 décembre 1999 tous les contribuables susceptibles d’être affectés par la décision de la Cour d’arbitrage rien n’empêchait l’Etat belge, qui exerce aussi dans certaines circonstances de véritables missions de service public, de prendre plus rapidement des mesures d’information générale à destination des contribuables de nature à éviter la prescription des voies de recours.

La Cour souligne que le ministère des Finances ne s’est cependant « pas comporté en l’espèce comme une autorité normalement prudente et diligente à l’égard de ces administrés en n’ayant pris aucune mesure d’information générale » à l’égard de ces contribuables leur permettant d’introduire, le cas échéant, une demande de dégrèvement d’office avant le 31 décembre 1999.

Cet arrêt doit bien évidemment être approuvé.

La Cour d’appel confirme ainsi que l’administration a véritablement une obligation d’informer les contribuables lorsqu’un arrêt de la Cour Constitutionnelle juge une disposition légale contraire à la Constitution et ce afin de leur permettre à de demander un dégrèvement d’office endéans les délais légaux.

Dans l’affaire soumise à la Cour d’appel de Mons, la responsabilité de l’administration n’aurait vraisemblablement pas été retenue si la brochure qu’elle a publiée début 2000 l’avait été quelques mois plus tôt, lorsqu’il était encore possible d’introduire une demande de dégrèvement d’office.

On peut constater que, dans un cas similaire, où un arrêt de la Cour constitutionnelle avait également jugé une disposition légale contraire à la Constitution, l’administration a estimé utile de procéder à des rectifications d’office des personnes concernées (il s’agissait de la réduction d’impôt pour allocations de chômage en ce qui concerne les personnes mariées et les cohabitants légaux – avis du SPF Finances du 5 mai 2009).

Auteur : Tristan Krstic
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