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Auteur : Olivier NEIRYNCK

Opposabilité au fisc des conventions non simulées : un nouvel arrêt de la Cour de cassation

Comme on le sait, la fraude fiscale se distingue de l’évitement licite de l’impôt : si l’objectif de celui qui recourt à la voie la moins imposée est également d’éviter ou de réduire une charge fiscale, ce contribuable ne recourt qu’à des actes réels, dont il accepte les conséquences juridiques et se met réellement en dehors du champ d’application de l’impôt. Ce faisant, il ne viole pas la loi fiscale.

Le caractère licite du choix de la voie la moins imposée a été consacré à maintes reprises par la jurisprudence de la Cour de cassation, depuis son fameux arrêt « Brepols ».

Ainsi, la Cour a-t-elle, par exemple, jugé, en mars 1990, qu’ « il n’y a ni simulation prohibée à l’égard du fisc, ni partant fraude fiscale, lorsqu’en vue de bénéficier d’un régime fiscal plus favorable, les parties, usant de la liberté des conventions, sans toutefois violer aucune obligation légale, établissent des actes dont elles acceptent toutes les conséquences, même si ces actes sont accomplis à seule fin de réduire la charge fiscale ».

Certains auteurs ont cru pouvoir se fonder sur le libellé de ce principe (et en particulier sur le membre de phrase « sans toutefois violer aucune obligation légale ») pour considérer que la conformité de la convention des parties à la loi était une condition du libre choix de la voie la moins imposée et de l’opposabilité de cette convention au fisc.

Bien que cette analyse ne trouve son fondement dans aucune règle de droit, la Cour de cassation l’a adoptée par un arrêt, vivement critiqué en doctrine, du 5 mars 1999. Selon cet arrêt, lorsqu’un acte juridique n’est pas simulé mais viole une disposition légale – non fiscale – d’ordre public, « en vue d’éviter des impôts », l’administration fiscale peut demander que l’acte en cause ne lui soit pas opposé.

L’on aurait pu espérer que cette décision reste isolée.

Tel n’est malheureusement pas le cas puisque, dans un arrêt du 16 octobre 2009, la Cour de cassation répète cet enseignement, dans le cadre d’un litige relatif à la constitution d’une provision pour pension qui aurait été constituée en violation de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d’assurances : « L’administration peut demander qu’un acte juridique ne lui soit pas opposé lorsqu’il viole une règle de droit d’ordre public en vue d’éluder l’impôt ».

En l’espèce, ce nouvel arrêt est favorable au contribuable, dès lors qu’il casse l’arrêt attaqué, rendu par la Cour d’appel de Liège, pour le motif que, dans sa décision, la juridiction de fond ne constate pas que la violation alléguée de la loi de 1975 est intervenue à la faveur d’un but fiscal avéré.

Autrement dit, pour que la convention des parties ne soit pas opposable au fisc, en l’absence de simulation, il faut non seulement que cette convention viole une règle d’ordre public non fiscale mais encore que l’objectif poursuivi par cette violation de la loi soit, lui, d’ordre fiscal et que la juridiction de fond constate l’existence de cet objectif.

Ceci vient sans doute expliciter la portée de la jurisprudence inaugurée par l’arrêt du 5 mars 1999, puisque même en cas de violation de règles d’ordre public, les conventions non simulées restent opposables au fisc, si la volonté d’éluder l’impôt n’explique pas cette violation de la loi.

Sur le plan des principes, cette nouvelle décision de la haute juridiction laisse cependant le problème entier : l’on n’aperçoit pas sur la base de quelle règle de droit il pourrait se justifier qu’en l’absence de simulation et même en cas de violation d’une règle d’ordre public non fiscale, la convention des parties ne soit pas opposable au fisc.

Quoique tiers à l’égard des actes accomplis par le contribuable, le fisc doit subir les effets sur le patrimoine de ce contribuable des conventions que celui-ci a conclues, pourvu que ces conventions ne soient pas simulées.

Auteur : Olivier NEIRYNCK
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