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Thema : BTW Auteur : Severine Segier

Du changement dans la déductibilité TVA pour les biens mis gratuitement à disposition d’un dirigeant de société ?

Un projet de loi est actuellement en discussion au Sénat. Il s’agit de la transposition d’une directive européenne qui fait suite à la célèbre jurisprudence Seeling de la Cour de justice des Communautés Européennes.

Selon cette jurisprudence, une société assujettie qui acquiert un bien d’investissement (par exemple un immeuble) pour le mettre à disposition de son dirigeant, même à titre gratuit, a la possibilité, si elle dispose d’un droit à déduction pour l’exercice de son activité sociale, de déduire la totalité de la TVA payée en amont pour l’acquisition de ce bien.

Une société a donc, par exemple, la possibilité de faire construire un immeuble d’habitation pour son dirigeant et de le mettre gratuitement à la disposition de celui-ci, tout en ayant la possibilité de déduire l’intégralité de la TVA portée en amont, pour autant que l’immeuble figure dans le patrimoine de la société comme un bien d’investissement. Ceci réduit sensiblement le coût immédiat de l’acquisition du bien.

Ensuite, au fur et à mesure de l’utilisation du bien et du calcul de l’avantage en nature correspondant, la société doit calculer, sur cet avantage en nature, une TVA, comme s’il s’agissait d’une prestation de services.

L’avantage est, pour la société, l’absence de préfinancement de la TVA sur la construction, au bénéfice de l’étalement dans le temps de cette TVA.

La jurisprudence européenne (jurisprudence Seeling) a considéré que ce comportement est légalement admissible, et ne peut donc être contesté par l’administration fiscale.

L’administration a tenté de limiter la portée de la jurisprudence européenne aux seules personnes physiques, en excluant les sociétés du bénéfice de celles-ci ; cependant, l’administration a été déboutée à de nombreuses reprises par les cours et tribunaux belges.

Cette situation a conduit, au niveau belge, à une modification du code de la TVA, qui ne permet cependant pas à l’administration de parvenir pleinement à ses fins, et à une nouvelle directive européenne (la Directive 2009/162/UE du 22 décembre 2009), dont le but est de limiter la déduction de la TVA en cas d’utilisation mixte d’un bien immeuble, et ce à partir du 1er janvier 2011.

Le projet de loi actuellement en discussion au Sénat est une transposition de cette directive.

Par ce projet, l’Etat belge envisage de limiter la déduction initiale de la TVA non seulement pour les biens immeubles (ce qui ressort de la directive européenne) mais également pour les autres biens d’investissement et services sujets à révision en vertu du code TVA.

En revanche, l’utilisation privée ne sera quant à elle plus passible de TVA, et l’avantage de toute nature ne sera donc plus assimilé à une prestation de services à titre gratuit, sur laquelle la TVA est due par la société au Trésor.

Si ce projet de loi est adopté, il ne sera plus possible pour la société, à partir du 1er janvier 2011, en cas d’utilisation mixte d’un bien d’investissement meuble ou immeuble, de déduire immédiatement la totalité de la TVA payée en amont, mais seulement en proportion de la part non utilisée à titre gratuit par le dirigeant. Concomitamment, plus aucune TVA ne sera due sur l’utilisation privée ultérieure du bien.

La question qui divisera sans nul doute l’administration et les assujettis sera celle de la détermination de la proportion « acceptable » pour la déduction de la TVA.

A ce titre, l’administration a déjà signalé qu’il fallait s’en référer aux règles applicables en matière d’impôt sur les revenus.

Nous devrons donc nous attendre à de sérieuses empoignades entre l’administration et les assujettis, compte tenu du fait qu’en plus d’une règle particulièrement floue issue du code TVA, il faudra faire face à la volonté administrative d’appliquer, pour réduire les charges déductibles des sociétés, la jurisprudence Salvinvest, sur la base de laquelle l’administration refuse la déduction des frais relatifs aux biens mis gratuitement à disposition des dirigeants d’entreprise.

A noter qu’en principe, dans l’état actuel de nos informations, ce nouveau régime TVA ne devrait pas être appliqué aux biens d’investissement qui sont mis à disposition du dirigeant moyennant une contribution financière de ce dernier pour l’utilisation privée, même si celle-ci est inférieure au montant de l’avantage en nature.

Une différence donc par rapport à l’application administrative de la jurisprudence Salvinvest, qui devrait peut-être permettre aux sociétés d’y voir un peu plus clair dans les méandres des déductions qui sont ou non dans le collimateur de l’administration.

Pour le reste, le nouveau régime, qui devrait être applicable à partir du 1er janvier 2011, vise tous les biens d’investissements tels que immeubles, véhicules, ordinateurs, téléphone, etc., mis à disposition gratuitement du dirigeant de l’entreprise ou des membres du personnel.

A noter que pour l’instant, aucune mesure transitoire particulière n’est prévue, et que l’incertitude règne donc, par exemple dans le cadre de la construction d’un immeuble, qui aurait lieu en partie sous l’ancien régime, et en partie sous le nouveau régime.

Thème : La TVA Auteur : Severine Segier
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