ours-idefisc

Idefisc — Actualités fiscales

Auteur : Ronny Favel

Aucune cotisation ne peut découler du déplacement de la comptabilité d’un contribuable dans les locaux de l’administration

Le Tribunal de Première Instance de Mons a rendu le 18 octobre dernier un jugement sur la portée des termes « sans déplacement » contenus à l’article 315 du CIR 92 (non encore publié).

Cette disposition prévoit que :

« Quiconque est passible de l'impôt des personnes physiques, de l'impôt des sociétés, de l'impôt des personnes morales ou de l'impôt des non-résidents, a l'obligation, lorsqu'il en est requis par l'administration, de lui communiquer, sans déplacement, en vue de leur vérification, tous les livres et documents nécessaires à la détermination du montant de ses revenus imposables (…) ».

L’article 315 du CIR 92 dispose donc clairement que le contribuable est tenu de fournir à l’administration tous ses livres et documents comptable sans aucun déplacement.

Autrement dit, si les fonctionnaires de l’administration fiscale peuvent avoir accès à toute la comptabilité du contribuable, ils ne peuvent en aucun cas exiger de ce dernier qu’il apporte les livres aux bureaux de l’administration. Ces documents ne peuvent donc être examinés que sur place, dans les locaux du contribuable concerné soit en général, au lieu du siège d’exploitation.

C’est précisément sur cette question que s’est prononcé récemment le Tribunal de Première Instance de Mons.

Dans l’affaire soumise au Tribunal, l’administration avait adressé un courrier à un contribuable l’invitant à se présenter au bureau de contrôle duquel il dépendait en apportant sa comptabilité pour les années 2003 et 2004.

Le contribuable se rendit ainsi dans les locaux de l’administration conformément à la demande de cette dernière.

Suite à l’examen de la comptabilité du contribuable dans les bureaux de l’administration, celle-ci enrôla une cotisation d’impôt supplémentaire à son encontre.

Le contribuable invoqua alors la nullité de cette cotisation au motif que l’administration lui aurait indûment demandé d’apporté ses livres au bureau de contrôle.

Le Tribunal de Première Instance de Mons fait droit à la demande du contribuable et déclare la nullité de la cotisation litigieuse.

En effet, le Tribunal décide que conformément à l’article 315 du CIR 92, c’est à l’administration qu’il appartient de se rendre dans les locaux du contribuable et non l’inverse en considérant que « tout déplacement de la comptabilité est strictement interdit, à moins que le contribuable n’ait été informé qu’il avait le droit de refuser le déplacement et qu’il ne l’ait néanmoins librement accepté », ce qui ne fut manifestement pas le cas en l’espèce.

Le Juge rappelle à cette occasion que la loi fiscale est d’interprétation stricte et qu’en l’occurrence l’article 315 du CIR 92 précise de manière explicite que l’examen de la comptabilité du contribuable doit intervenir sans aucun déplacement de celle-ci.

L’administration soutient quant à elle que le contribuable aurait « de son propre gré » et « pour des raisons de facilité » déposé ses livres et documents comptables au bureau de contrôle.

Toutefois, le Juge estime qu’un tel accord ne résulte d’aucune pièce et constate également que le précédent contrôle avait bien eu lieu au siège d’exploitation du contribuable écartant ainsi l’éventuelle thèse de l’habitude.

Le Tribunal de Première Instance de Mons conclut ainsi à l’irrégularité de la procédure entachant ainsi de nullité l’imposition qui en découle.

Le Tribunal va encore plus loin en décidant que « si le fondement même de la taxation est illégal, il n’ ya pas de matière à réimposition sur base des mêmes éléments si une mesure d’investigation ou de contrôle sur laquelle se base la taxation a été déclarée illicite ».

Le Tribunal met ainsi en échec la possibilité pour l’administration d’avoir recours à la procédure visée à l’article 356 du CIR 92 qui prévoit que lorsqu'une décision directoriale fait l'objet d'un recours en justice et que la juridiction saisie prononce la nullité totale ou partielle de l'imposition pour une cause autre que la prescription, l’administration peut soumettre à l'appréciation de la juridiction saisie une cotisation subsidiaire à charge du même redevable et en raison de tout ou partie des mêmes éléments d'imposition que la cotisation initiale dans un délai de six mois.

En effet, en l’espèce, l’administration a exigé illégalement le déplacement en ses bureaux de la comptabilité du contribuable, de sorte que toute cotisation subsidiaire serait fondée sur ce contrôle irrégulier et entraînerait dès lors également la nullité de celle-ci.

Auteur : Ronny Favel
ours-idefisc
Idefisc — Actualités Fiscales
©2003-2020 Idefisc & Words and Wires W3validator