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Inaplicabilité du délai extraordinaire d'enrôlement de cinq ans en case de requalification sur pied de l'article 344, §1er, cir

Le tribunal de première instance d'Anvers a récemment eu l'occasion de préciser que l'application de l'article 344, § 1er, CIR (c'est-à-dire la disposition générale " anti-abus ") doit se faire dans le cadre du délai prévu à l'article 354 du Code (soit dans le délai d'imposition de trois ans), et non dans le délai de cinq ans prévu par l'article 358, § 1er, CIR.

L'article 358 dispose que l'impôt ou le supplément d'impôt peut être établi, même après l'expiration du délai de trois ans de l'article 354, lorsqu'un contrôle ou une enquête fait apparaître que le contribuable a contrevenu aux dispositions du Code au cours d'une des cinq années qui précèdent celle de la constatation de l'infraction

L'imposition querellée avait été établie dans ce délai particulier. Quant au fond, l'administration avait appliqué l'article 344, § 1er, pour requalifier une réduction de capital en distribution de dividendes.

Le tribunal relève, à juste titre selon nous, que la requalification sur pied de l'article 344, § 1er, ne permet pas de considérer que le contribuable " a contrevenu aux dispositions du Code (...) au cours d'une des cinq années qui précèdent celle de la constatation de l'infraction " (Civ. Anvers, 15 janvier 2003, AR 00/4515/A, non encore publié).  
Ce jugement doit être approuvé.  L'article 344, § 1er, CIR permet à l'administration de déclarer inopposable la qualification juridique donnée par les parties à un acte ainsi qu'à des actes distincts réalisant une même opération lorsqu'elle démontre que la qualification donnée par les parties a pour but d'éviter l'impôt, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualification répond à des besoins légitimes de caractère financier ou économique.
Il s'agit de permettre à l'administration de " requalifier " un acte, lorsque les parties ont donné à celui-ci une qualification juridique plutôt qu'une autre dans le seul but d'éviter l'impôt.
Lorsque l'administration applique l'article 344, § 1er, elle se borne à donner aux actes posés par le contribuable une autre qualification.  Elle les classe, en d'autres termes, dans une autre catégorie juridique, pour autant qu'elle respecte les effets juridiques des actes, et plus précisément leur " contenu qualifié ".

En l'espèce, l'administration requalifiait une augmentation suivie d'une réduction de capital (non imposable) en une distribution de dividendes (soumise au précompte mobilier de 25 %).
Le tribunal, sans se prononcer sur la question de savoir si la réduction de capital peut effectivement être " requalifiée " en une distribution de dividendes, se borne à constater que dans l'hypothèse même où l'administration fiscale démontrerait que la qualification juridique donnée par les parties à l'opération, bien qu'exacte en droit, a été choisie afin d'éviter l'impôt, cette démonstration n'emporterait en aucune manière la preuve que les parties ont " contrevenu aux dispositions du Code ".
Le libre choix de la qualification des actes et de la voie la moins imposée implique en effet que le fait de structurer ou de qualifier une opération d'une manière telle que l'on évite l'impôt ne peut être considéré comme une contravention au Code, au sens de l'article 358 précité.

En l'occurrence, les contribuables n'ont en effet pas contrevenu aux dispositions du Code en décidant de procéder à une réduction de capital : ils ont en toute légalité qualifié l'opération de réduction de capital.
Dans l'hypothèse même où l'administration trouverait une autre qualification possible, en l'occurrence celle d'une distribution de dividendes, cela n'impliquerait pas que la qualification de réduction de capital choisie par les parties contrevenait au code fiscal.

L'administration devait donc enrôler dans le délai de trois ans.

L'opinion ainsi exprimée par le tribunal anversois est partagée par d'autres. Ainsi, le tribunal de première instance de Mons a, dans son jugement du 8 mai dernier admis qu'à défaut d'infraction au Code, l'article 358 §1er, 1° CIR n'était pas d'application. Le tribunal a cependant validé l'application du délai spécial sur base non pas de la constatation d'une infraction mais de l'existence d'un élément probant. La question reste ouverte et nous y reviendrons prochainement.

Pascale HAUTFENNE

Auteur : Pascale Hautfenne
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