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Payer pour etre contrôlé ?

Les organismes de plus en plus nombreux exercent des contrôles divers sur certaines catégories de personnes : la Commission Bancaire et Financière sur toutes sortes d'intermédiaires financiers, la cellule de traitement des informations financières sur les institutions financières et une série d'autres professions, la commission de la vie privée sur les personnes qui tiennent des fichiers...

On pensera ce qu'on veut de cette hyper-réglementation, et de cette inflation d'organisme de contrôle.

Les personnes soumises à ce contrôle, et parfois aux sanctions que cela suppose, se voient entre autres imposer l'obligation de pourvoir au financement de l'organisme même qui les contrôle, en payant des "redevances" dont le montant est le plus souvent fixé par arrêté royal.

La redevance est censée représenter la rémunération du travail effectué par l'organisme contrôleur au "profit" du contrôlé.

Ce raisonnement pour le moins étrange - parce que le contrôlé ne demande en général rien d'autre que d'être débarrassé d'un contrôle qu'il juge le plus souvent encombrant - est tenu de plus en plus fréquemment pour assurer le financement des organismes contrôleurs.

On peut espérer qu'un récent arrêt de la Cour d'appel de Gand mettra fin à ces pratiques, ou fournira à tout le moins, à ceux des "contrôlés" qui voudraient réagir une argumentation solide.

Cet arrêt tranche la question de la taxe de police maritime perçue à charge des passagers empruntant des navires quittant la côte belge. Le montant de cette taxe étant fixé par arrêté royal, un armateur avait contesté sa légalité, sur la base du principe de la légalité de l'impôt : pour un impôt, tant la base, que le montant ou encore les conditions de l'impôt doivent figurer dans la loi et non dans un simple arrêté.

L'administration avait cru pouvoir soutenir qu'elle "rendait service" aux passagers que la police contrôlait, comme si le fait d'attendre son tour pour être soumis à une vérification d'identité par des personnages en uniforme fournissait un quelconque avantage aux personnes faisant l'objet de ce traitement ... La cour d'appel de Gand rejeta, pour de très judicieux motifs, cet argument, et décida qu'on ne pouvait manifestement qualifier la taxe en question de "redevance", c'est-à-dire d'un montant rémunérant un service rendu, qui lui, pourrait être fixé, comme n'importe quel tarif d'un service, par arrêté royal.

La Cour ordonna par conséquent le remboursement de montants très importants payés à ce titre, les prétendues redevances étant en réalité des taxes illégales, parce que non prévues par la loi.

On voit mal par exemple, pourquoi les nombreuses professions qui ont désormais l'obligation de rendre compte de soupçons de blanchiment à la cellule de traitement des informations financières n'invoqueraient pas le même raisonnement : il est manifeste que, pour les banquiers, ou encore pour les experts comptables, notaires ou tenanciers de casino, l'obligation de dénoncer leurs clients, et donc le contrôle de la CETIF, ne présente pas le moindre avantage, mais au contraire une charge administrative importante et un risque de sanction dont ils se seraient volontiers passés. Les sommes qui leur sont réclamées doivent dès lors être qualifiées d'impôt, et n'étant pas fixées par la loi, paraissent clairement illégales. Rien n'empêcherait donc une personne soumise à ce contrôle de refuser le paiement de ces fausses redevances ou encore, après avoir payé la somme, d'en demander le remboursement.

Le même raisonnement pourrait être tenu pour les redevances payées à la Commission Bancaire et Financière, qui ne rend aucun service aux émetteurs en approuvant leur émission, puisque la loi interdit explicitement de faire référence à l'approbation par cette commission des prospectus soumis au public.

Il est clair que ces différents organismes oeuvrent dans l'intérêt public, et que leur financement devrait être mis à charge de l'Etat et non reposer sur les personnes soumises à leur contrôle, dont elles ne profitent nullement. A tout le moins, si le législateur raisonnait autrement, il faudrait qu'il établisse clairement un impôt, par une loi, et non qu'il fasse fixer les redevances dues à ces organismes par un arrêté royal.

Thierry AFSCHRIFT

Auteur : Thierry Afschrift
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