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Article 49 : Appréciation de la déduction d’une dépense dans le chef d’une société en fonction de son objet social statutaire uniquement

Bien qu’elle soit contestable notamment sur base des principes de légalité de l’impôt et de stricte interprétation des lois fiscales et qu’elle mette en péril la sécurité juridique des sociétés contribuables, l’on ne peut que déplorer que la jurisprudence majoritaire actuelle confirme la jurisprudence « DERWA » initiée par un arrêt de la Cour de cassation du 18 janvier 2001.

En vertu de cette jurisprudence discutable, l’article 49 du CIR 1992 exclurait la déduction à l’impôt des sociétés des dépenses, compte tenu du principe de la spécialité des personnes morales, étrangères à l’activité ou à l’objet social de celles-ci. Pour être déductible, il ne suffirait donc pas que les frais d’une société soient exposés en vue « d’acquérir ou de conserver des revenus imposables », encore faudrait-il que ces frais soient « inhérents à l’exercice de la profession », c’est-à-dire qu’ils se rattachent nécessairement à l’activité sociale ».

Récemment encore, la Cour constitutionnelle tendait à confirmer cette jurisprudence, notamment dans un arrêt du 16 septembre 2010 que nous évoquions dans un précédent article. Selon la Cour constitutionnelle en effet, l’on ne pourrait valablement déduire de la circonstance qu’une société commerciale est un être moral créé en vue d’une activité lucrative, que toutes ses dépenses peuvent être déduites de son bénéfice brut. Elle précisait toutefois que, pour être déductible en vertu de l’article 49 du CIR, la dépense devait être inhérente à l’« activité sociale » ou à l’« objet social » de la société.

La Cour constitutionnelle introduit de cette façon une nuance non négligeable à la jurisprudence « DERWA » dès lors qu’en vertu de celle-ci, il suffirait que la dépense rentre dans l’objet social de la société, tel que défini dans les statuts, pour être déductible. C’est également ce qui a été décidé par la Cour d’appel de Bruxelles dans un arrêt du 8 septembre 2010, rendu sur renvoi après cassation. Dans cette affaire, l’Etat belge rejetait la déduction des frais accessoires afférents à l’achat par une société contribuable d’actions d’une société de droit hollandais et leur revente. La revente de ces actions avait permis à la société contribuable de réaliser une plus-value sur actions, fiscalement immunisée. L’Etat considérait que ces dépenses étaient « hors de l’ " activité sociale " de la SA B, qui est à prendre en considération soit l’activité principalement commerciale réellement exercée (le commerce de produits) et non l’objet social statutaire ». Selon l’Etat en effet, des frais afférents à des opérations financières manifestement en marge de l’activité principale et visées dans les statuts, seulement comme une possibilité offerte à la société, ne pouvaient être déduits. L’Etat estimait en outre qu’il s’agissait d’une opération artificielle de transformation d’un revenu taxable en revenu immunisé et contestait que les frais litigieux aient été consentis pour acquérir ou conserver des revenus puisqu’ils conduisaient à une perte comptable compensée par une économie d’impôt. La Cour d’appel de Bruxelles a toutefois estimé que rien ne permettait à l’Etat belge de différencier, dans les activités sociales définies dans les statuts d’une société, d’une part une activité principale professionnelle réelle limitée, qui seule donnerait lieu à des frais professionnels déductibles, et d’autre part, d’autres activités qui seraient secondaires, irréelles ou virtuelle.

Ainsi, selon la Cour d’appel de Bruxelles, les dépenses réalisées par une société qui a agi dans le cadre de son objet social tel que défini par les statuts sont à considérer comme des frais professionnels déductibles, inhérentes à la profession puisque se rattachant nécessairement son activité sociale. La Cour précise en outre que la circonstance que l’opération litigieuse aboutisse à une perte comptable (les frais étant plus élevés que la plus-value sur actions réalisée) est sans pertinence sur le caractère déductible de ces frais puisque l’article 49 du CIR ne subordonne pas la déduction des frais à la condition que les opérations aient effectivement augmenté le résultat imposable de la société.

Il ressort de cette jurisprudence de la Cour d’appel de Bruxelles, conforme à celle de la Cour constitutionnelle, que le libellé des statuts d’une société revêt une importance cruciale. Cette jurisprudence ne peut être que saluée dans la mesure où, malgré qu’elle confirme le principe discutable de la jurisprudence DERWA, elle rétablit une certaine sécurité juridique pour les sociétés contribuables. Notons en effet que l’objet social d’une société ne pourrait en principe être ignoré ou considéré comme une clause de style en raison de la généralité de ses termes par l’administration fiscale et les Cours et Tribunaux sous peine de violation de la foi due aux actes. C’est ce qu’a très récemment confirmé la Cour de cassation.

Auteur : Marie Bentley

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