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La lutte contre la corruption passe aussi par les sanctions fiscales

Jusqu’il y a peu, la Belgique permettait, par un régime atypique, sous certaines conditions, la déductibilité fiscale des avantages indus versés à des agents publics ou privés, dans le but de s’attirer leurs faveurs.

Le fait, pour le législateur belge, de fermer les yeux, voire d’autoriser explicitement ce genre de pratique, a été fortement critiqué au sein de l’OCDE.

La Belgique a décidé de se mettre en conformité avec les directives de l’OCDE, en introduisant dans le Code fiscal belge, une interdiction générale de la déductibilité fiscale d’avantages de toute nature, versés à un agent public étranger, ou à un agent public ou privé belge.

Cette loi, datée du 1er septembre 2006, est entrée en vigueur le 4 mai 2007.

Exit donc la déductibilité fiscale des « pots de vin », dans des secteurs où compromettre était reconnu comme de pratique courante.

Exit également la demande spécifique d’autorisation à introduire auprès du SPF, afin d’obtenir une autorisation individuelle, pour pouvoir s’exercer à ce genre de pratique.

Le droit fiscal belge prévoit désormais une sanction spécifique : les « pots de vin » sont à présent repris dans la liste des dépenses non admises de l’article 53 CIR 1992.

Tant les « cadeaux » que les « économies » sont visés, que l’octroi soit direct ou indirect ; pas question donc de gratifier le conjoint ou les enfants pour éviter la sanction fiscale.

Il n’est pas nécessaire que la personne dont on souhaite obtenir les faveurs pose un acte illégal : le fait de lui demander d’accomplir un acte ressortissant normalement de sa fonction, mais qui ne donne normalement pas lieu à une rétribution, suffit pour que la dépense soit qualifiée de dépense de corruption.

La sanction fiscale instituée par la nouvelle loi, dans le chef de celui qui octroie l’avantage, ne comprend pas uniquement le fait de ne pouvoir déduire la dépense : si l’attributaire est une personne morale, il se verra appliquer une cotisation spéciale de 300 % du montant de la dépense à laquelle s’ajouteront des accroissements de 10 à 200 %.

Pour celui qui les perçoit, les « pots de vin » deviendront du « mauvais bénéfice » : aucune perte ne peut être imputée sur la partie du résultat qui provient des avantages de la corruption, qui reste donc toujours taxable dans le chef de la personne qui les a perçus, et aucune réduction de RDT ne sera non plus admise sur le montant de l’avantage.

Le régime fiscal actuel des « pots de vin » est donc à présent clairement dissuasif :

Aux termes de la nouvelle loi, la sanction fiscale de la corruption concerne, pour la Belgique, tant la corruption de fonctionnaires publics que la corruption de personnes privées, dirigeants d’une personne morale ou mandataires d’une personne physique.

A l’étranger en revanche, les situations de corruption visées par la nouvelle loi sont uniquement celles impliquant une corruption publique, c’est-à-dire la corruption d’un fonctionnaire de droit public étranger (une personne exerçant une fonction publique dans un Etat étranger ou dans une organisation de droit international public).

La corruption privée à l’étranger n’entre donc pas dans le champ d’application de la nouvelle DNA. Rien n’est prévu par la loi à ce propos. Ce type de dépense ne donnera évidemment pas lieu à la production de fiches et relevés fiscaux. Il s’agira donc de « commissions secrètes » ordinaires, pour lesquelles la cotisation spéciale de 300 % devra être acquittée. La dépense en elle-même restera néanmoins déductible, contrairement aux autres dépenses de corruption considérées à présent comme des DNA. Corrompre un mandataire privé étranger coûtera donc moins cher, fiscalement parlant, que corrompre un mandataire belge ou un mandataire public étranger !

Contrairement aux « commissions secrètes » traditionnelles, ou aux « avantages anormaux ou bénévoles », la nouvelle DNA est définie de manière relativement claire par le Code. Compte tenu de la référence faite par la loi fiscale à la définition pénale de l’infraction de corruption, le traitement au niveau fiscal devrait être relativement simple, du moins en ce qui concerne la définition de la dépense non admise et du « mauvais bénéfice » générés par l’infraction : le problème tenant au fait de savoir si une dépense ou un revenu est effectivement issu de la corruption, et quel est son montant, sera reporté à la juridiction pénale.

En cas de litige, les juridictions pénales seront amenées à trancher en premier lieu, en vertu du principe selon lequel le pénal tient le civil en l’état – ce qui ne va certainement pas raccourcir le délai dans lequel le contribuable sera fixé sur son sort…

Il restera à étudier si, dans la pratique, l’administration fiscale verra encore la différence entre les simples « commissions secrètes », qui résultent par exemple, d’une erreur du contribuable ou d’une divergence d’interprétation entre l’administration et le contribuable au sujet de la nécessité d’émettre une fiche fiscale, et les véritables dépenses liées à l’infraction pénale de corruption…

Séverine SEGIER
Auteur : Severine Segier
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