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Le fisc est un créancier comme les autres

La loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises peut permettre à une entreprise, dans certaines conditions, d’obtenir une réduction de ses dettes, même fiscales et / ou sociales.

Le tribunal de commerce est ainsi habilité à accorder un sursis à une entreprise en difficulté, sursis pendant lequel l’entreprise peut mettre au point un plan de réorganisation qui sera soumis à l’approbation de ses créanciers. Dans le cadre de ce plan, l’entreprise peut prévoir que tous les créanciers réduisent le montant de leur créance et que le paiement des sommes dues soit étalé dans le temps. Seuls les « créanciers sursitaires extraordinaires », étant les créanciers dont les créances sont garanties par un privilège spécial (gage, gage sur fonds de commerce…) ou une hypothèque et les créanciers-propriétaires, ne peuvent être contraints à réduire le montant de leurs créances.

Les créances du fisc (ainsi que celles de l’O.N.S.S.) qui ne sont ainsi normalement pas garanties par un privilège spécial et sont dès lors des créances sursitaires ordinaires.

Une fois confectionné, le plan de réorganisation doit être approuvé par la majorité des créanciers représentant au moins la moitié de toutes les sommes dues en capital. En cas de vote favorable, le tribunal de commerce homologue le plan, sauf s’il devait s’avérer contraire à l’ordre public.

Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, nombreuses entreprises ont déposé des plans prévoyant des réductions proportionnelles de toutes leurs dettes, en ce y compris fiscales (sauf celles éventuellement garanties par un privilège spécial) et sociales. L’administration fiscale votait généralement contre le plan, mais se trouvait fréquemment en minorité et n’a pu empêcher l’adoption du plan. Mauvais joueur, l’administration a souvent tenté de s’opposer a postiriori au plan le jugeant contraire à l’ordre public ou à l’article 172 de la Constitution.

Un arrêt du 11 mars 2010 de la Cour d’appel de Bruxelles a rappelé les principes essentiels régissant cette matière. Une fois que la Cour a rappelé ce qu’il fallait entendre par créances sursitaires (article 2 de la loi), elle a précisé que :

« Il se déduit de cette disposition légale très claire que les créances du fisc et de l’O.N.S.S. ne sont pas des créances extraordinaires ».

La Cour a ensuite cité un passage particulièrement clair des travaux préparatoires selon lequel :

« Les créances de l’administration des impôts, de la sécurité sociale et des créanciers privilégies généraux en général, constituent des créances sursitaires ordinaire. La modification des droits du fisc par rapport à la loi relative au concordat judiciaire a pour objectif d’assurer, dans le cadre des procédures visant au redressement de l’entreprise, et bien entendu sans préjudice aux sûretés et privilèges institués par la loi hypothécaire ou par des lois particulières, le traitement égal de tous les créanciers, qu’ils soient publics ou privés, et de faire en sorte que chacun de ces derniers apporte sa juste part au redressement de l’entreprise dans l’intérêt général ».

Pour la petite histoire, il s’agit là de la motivation de l’amendement proposé par le Ministre de la Justice, amendement qui a justement entraîné la modification de l’article 2 de la loi sur la continuité des entreprises dans le sens finalement adopté.

La doctrine unanime va dans le même sens pour considérer que les créances du fisc ne sont pas des créances extraordinaires.

L’administration a également prétendu que la loi sur la continuité des entreprises violait l’article 172 de la Constitution, selon lequel :

« Il ne peut être établi de privilège en matière d'impôts. Nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie que par une loi ».

Comme l’a parfaitement jugé la Cour d’appel de Bruxelles, s’il est vrai qu’aucune exemption ou modération d’impôt ne peut être accordée si ce n’est qu’en vertu d’une loi, les dispositions prévoyant dorénavant la possibilité d’obliger l’administration fiscale à réduire le montant de ses créances découlent bien d’une loi, étant justement la loi sur la continuité des entreprises. L’intention du législateur d’en arriver là est, d’ailleurs, parfaitement claire.

Dans l’état actuel des choses, la loi est claire, la doctrine unanime, et la jurisprudence confirme le tout. Avant de pouvoir lever le moindre doute, il faudra néanmoins attendre l’arrêt de la Cour de cassation car l’administration a introduit un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles.

L’administration devrait peut être commencer à se faire à l’idée de réduire le montant de ses créances lorsque la continuité d’une entreprise est menacée et que le plan de réorganisation proposé a de bonnes chances d’aboutir, le tout dans l’intérêt général. Les entreprises devraient également avoir à l’esprit que, dans des moments difficiles, même le fisc et l’O.N.S.S. peuvent (être obligé à) faire un effort pour les aider à se redresser.

Auteur : Tristan Krstic

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