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La déductibilité des chèques-repas: le recit d'un dernier repas?

L'histoire des chèques-repas prend de plus en plus des allures d'une série à suivre. Dans ses arrêts du 27 juin 2000 et du 16 mai 2000, la Cour d'appel d'Anvers acceptait la déduction intégrale de l'intervention de l'employeur dans le coût de chèques-repas.

Dans son arrêt du 28 septembre dernier, la Cour de cassation a cassé l'arrêt d'Anvers du 16 mai 2000. La Cour décida que l'employeur ne peut déduire les chèques-repas qu'il distribue parmi son personnel.

A première vue, le rideau est donc tiré sur les chèques-repas comme frais professionnels déductibles.

L'arrêt de la Cour de cassation n'a cependant pas résolu toutes les questions soulevées par la problématique des chèques-repas.

Traditionnellement, les chèques-repas sont considérés comme un avantage social dans le sens de l'article 38 C.I.R. 92. Pareil avantage n'est pas imposable dans le chef de l'employé. Pour l'employeur, les avantages sociaux ne sont pas déductibles, conformément à l'article 53, 14° C.I.R. 92. Fiscalement, l'Etat prend donc d'une main ce qu'il a donné de l'autre.

C'est précisément cette logique qui fut rompue par la jurisprudence de la Cour d'appel d'Anvers : l'avantage social procuré par l'employeur est égal au montant qui, dans le chef de l'employé, est considéré comme la valeur de l'avantage. Puisque la valeur de l'avantage est déterminée forfaitairement à 44 francs, seuls ces 44 francs par chèque maximum sont des DNA pour l'employeur.

La Cour de cassation rejette cette interprétation dans son arrêt du 28 septembre dernier. Son raisonnement est le suivant : la Cour d'appel d'Anvers considère l'économie que réalise l'employé par les chèques-repas comme un avantage social tel que défini à l'article 38 du Code. En vertu de l'article 53, 14° du Code, l'économie qui découle d'un avantage social n'est pas déductible par l'employeur. Afin de déterminer la valeur de l'économie dans le sens de l'article 53, 14° du Code, il ne faut pas se baser sur les mêmes critères que ceux prévus par les articles 36 du Code et 18 de l'arrêté royal d'exécution relatifs aux avantages de toute nature et non aux avantages sociaux. L'article 18 de l'arrêté royal ne fixerait donc pas la valeur de l'avantage perçu du fait de l'octroi de chèques-repas. Selon la Cour de cassation, en appliquant cependant ces critères pour déterminer la valeur de l'avantage social, la Cour d'appel d'Anvers a violé les articles 36 et 53, 14° du Code des Impôts sur les Revenus.

On peut cependant envisager une autre approche du régime des chèques-repas, devant la Cour d'appel d'Anvers, la problématique s'étant uniquement posée sous l'angle de la notion d'avantages sociaux.

La question de savoir si les chèques-repas doivent être considérés comme des avantages sociaux ou des avantages de toute nature n'a pas été tranchée par la Cour d'appel d'Anvers et a fortiori par la Cour de cassation.

Ainsi, la Cour d'appel de Bruxelles, dans un arrêt du 7 mars 2001, a considéré que le chèque-repas qui satisfait aux conditions prévues par l'article 19bis, §2 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 est considéré en vertu de l'article 38, 11° c comme un menu avantage obtenu à l'occasion ou en raison d'événements en rapport direct avec l'activité professionnelle. La Cour a précisé qu'il s'agissait cependant d'avantages de toute nature qui faisaient partie de la rémunération avant d'être qualifiés comme avantages sociaux. La Cour a considéré que le Roi n'avait pas fixé de règles d'évaluation forfaitaire pour l'avantage social que constitue le chèque-repas. Elle a considéré qu'à l'exception du montant nominal du chèque diminué de la contribution du travailleur étant la valeur réelle du chèque-repas dans le chef des bénéficiaires, tous les autres frais relatifs à ces chèques-repas étaient déductibles.

Dans cette affaire, le contribuable avait soulevé que les chèques-repas n'étaient pas constitutifs d'avantages sociaux et ne comportaient aucun avantage de toute nature au regard de la loi fiscale au motif que l'avantage de toute nature était en vertu d'une fiction légale réduit à zéro dans la mesure où il devait être évalué à sa valeur réelle dans le chef des bénéficiaires et que celle-ci avait été fixée à 44 francs remboursés par le bénéficiaire.

A la lecture de cet arrêt, il faut considérer que placer le débat sous la déductibilité des chèques-repas sous l'angle des avantages de toute nature ne présente guère de garantie de succès. Soutenir qu'il y aurait avantage de toute nature comme l'a fait la partie requérante dans le dossier soumis à la Cour d'appel de Bruxelles aboutirait à la conséquence qu'à défaut d'avoir établi les fiches fiscales requises la société qui attribue les chèques-repas ne pourrait pas déduire cet avantage de toute nature. Prétendre que l'avantage de toute nature ne doit pas être établi sur une fiche à défaut de valeur ne paraît pas résister à l'analyse défendue par la Cour d'appel de Bruxelles. Celle-ci a en effet indiqué que cette thèse méconnaissait la nature de l'avantage de toute nature qu'est le chèque-repas qui contrairement au repas social permet de chiffrer la valeur réelle de l'avantage au franc près dans le chef du bénéficiaire à savoir l'augmentation de son pouvoir d'achat de 120 BEF par chèque dans le cas soumis à la Cour d'appel.

Si la Cour de cassation a sanctionné le raisonnement quand il est fondé sur la notion d'avantages sociaux, le débat reste cependant ouvert quand le raisonnement relatif à la déductibilité des chèques-repas se fonde sur la notion d'avantages de toute nature.

Filip GODDEVRIENDT

Thème : Les chèques-repas Auteur : Philippe GODDEVRIENDT van OYENBRUGGE
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