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Majoration des amendes en cas de contrainte

En matière de droits d'enregistrement, de droits de succession et de TVA, le législateur a prévu un système d'amendes proportionnelles en cas d'infraction à la loi. Une disposition identique aux trois Codes prévoit que le montant de ces amendes proportionnelles est fixé "selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi", et ce bien entendu dans les limites prévues par la loi (articles 219, alinéa 3 du Code des droits d'enregistrement, 141, alinéa 3, du Code des droits de succession, et 84, alinéa 3, du Code de la TVA).

Différents arrêtés royaux ont été pris en ce sens, qui fixent non seulement les graduations de ces échelles, mais qui contiennent également une règle selon laquelle lesdites amendes sont majorées de 50 % en cas de signification d'une contrainte.

Rappelons que la contrainte est, en ces matières, le premier acte de poursuite dont un des effets est de permettre au contribuable de s'opposer aux prétentions de l'Etat par la voie judiciaire.

On aperçoit immédiatement l'effet de la mesure administrative adoptée en dehors de toute habilitation légale : face à un impôt ou un supplément d'impôt réclamé unilatéralement par l'administration, le contribuable hésite bien entendu à faire valoir son point de vue dans le cadre d'un recours judiciaire organisé, par crainte, en cas d'échec, d'être redevable d'accroissements majorés.

Le tribunal de première instance de Bruxelles a été saisi récemment de ce problème. Des héritiers n'avaient pas déclaré une certaine quantité d'or ayant appartenu à leur auteur, au motif que cet or aurait fait l'objet d'un don manuel en faveur de l'un de ces héritiers des années avant le décès. L'administration ayant constaté cette omission, elle a décerné une contrainte aux héritiers, leur réclamant un supplément de droits et des amendes, majorées de 50%.

Les héritiers ont porté l'affaire devant le tribunal de première instance, qui a donné raison à l'administration en ce qui concerne le supplément de droits réclamé, au motif que les héritiers n'apportaient pas la preuve du don manuel.

Statuant ensuite sur la majoration des amendes, qui était contestée à titre subsidiaire par les demandeurs, le tribunal, avec beaucoup de pertinence, constate que "l'application d'une majoration d'une amende pour le seul motif qu'un contribuable refuse de se rendre à l'argumentation de l'administration et qu'en conséquence une contrainte est décernée à défaut de paiement, porte atteinte, dans son principe même, au droit de tout justiciable à un libre accès au juge, en dehors de toute menace de sanction financière, tel que ce droit est notamment garanti - à tout le moins en ce qui concerne les amendes fiscales à caractère pénal - par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme".

Le tribunal va encore plus loin et décide qu'en prévoyant une majoration de 50 % en cas de contrainte, là où il lui revenait uniquement de fixer les graduations des amendes, le Roi "est sorti des limites de la délégation contenue à l'article 141, alinéa 3, du Code des droits de succession". Le tribunal considère ainsi que l'arrêté royal viole la loi et refuse dès lors d'appliquer celui-ci, conformément à l'article 159 de la Constitution.

On ne peut que se réjouir de cet excellent jugement qui rend à chaque contribuable le droit de porter en justice un différend qui l'oppose à l'une des administrations fiscales, sans craindre des sanctions administratives supplémentaires.

Martin VAN BEIRS

Auteur : Martin Van Beirs

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