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Attaquer les actes du fisc avant taxation

Le tribunal de première instance de Mons a eu à connaître de la légalité des actes préalables à taxation dans l'affaire suivante.

En 1999, l'I.S.I. avait adressé à un contribuable une demande de renseignements portant sur ses revenus de l'année 1994. Elle lui reprochait d'avoir dissimulé, lors d'un contrôle des mêmes revenus effectué en 1994, l'existence d'une comptabilité en partie double, dans une intention frauduleuse d'éluder l'impôt, en conséquence de quoi elle entendait procéder à des mesures d'investigation dans le délai supplémentaire de deux ans.

La prolongation du délai d'investigation requérant, sous peine de nullité de l'imposition subséquente, une notification préalable des indices de fraude, l'administration prit soin d'inscrire dans le document, avant le titre " Questions ", que " la présente est la notification préalable prescrite au 3ème alinéa de l'article 333 précité ". Il n'en a résulté cependant aucune cotisation complémentaire.

Le contribuable soulève donc l'illégalité de la demande de renseignements.

Sur la recevabilité du la requête, contestée par l'Etat belge, le Tribunal affirme à juste titre sa compétence pour connaître de toute contestation relative à l'application d'une loi d'impôt. Dès lors, incontestablement, il était habilité à connaître d'une contestation relative à l'application de l'article 333 du CIR. Ensuite, si le Code judiciaire sanctionne d'irrecevabilité une action introduite contre l'administration fiscale qui n'aurait pas été précédée du recours administratif organisé par ou en vertu de la loi, cette dernière n'organise aucun recours administratif contre les actes de procédure administrative. En conséquence, le litige pouvait être directement porté devant le Tribunal. Enfin, le Tribunal constate que le contribuable avait un intérêt né et actuel, prémisse indispensable à toute action judiciaire, dès lors qu'au jour du dépôt de la requête l'administration était encore en droit d'établir une cotisation supplémentaire et ce même si elle n'a pas fait usage de cette prérogative. En outre, l'intérêt peut être moral et non nécessairement patrimonial. En ce sens, le contribuable avait un véritable intérêt à ce qu'il soit reconnu que les soupçons de fraude étaient infondés.

La seconde question consistait à se demander si le contribuable avait bien été averti par écrit et préalablement des indices de fraude le concernant.

A ce sujet, la Cour de cassation avait précédemment pu dire qu'" il ne suit pas de ces dispositions légales (l'article 333 du CIR) qu'une notification précédant un questionnaire, telle une demande de renseignements, ne satisferait pas aux conditions légales lorsqu'elle est contenue dans le même document que ce questionnaire ". Il suffirait donc que la notification précède dans le texte mais pas dans le temps la demande de renseignements. Le contribuable les lirait ainsi préalablement à la demande…

S'entourant d'avis contraires émanant de la doctrine, dont il souligne l'importance du rôle dans l'élaboration du droit, et indiquant que malgré le fait qu'il doive leur être porté une attention toute particulière les arrêts de la Cour de cassation n'ont pas force de loi, le Tribunal a considéré que cette interprétation de l'article 333 était quelque peu absurde. En effet, la mention des indices de fraude au début du document emporterait la validité de l'acte et de la cotisation établie à sa suite alors que la même indication quelques lignes plus bas emporterait la sanction radicale qu'est la nullité de l'imposition ? Le Tribunal n'y a pas cru, prenant notamment argument de la lourdeur de la sanction pour se positionner autrement.

De même, la condition de notification préalable n'a pu être instaurée qu'en vue de produire un effet utile, qui ne peut que consister en la faculté pour le contribuable de démontrer, avant le début des investigations supplémentaires, l'irréalité ou le manque de pertinence des indices de fraude invoqués. L'acceptation d'une notification concomitante à la demande de renseignements serait alors contraire à l'objectif du législateur.

Le Tribunal a donc jugé illégale la demande de renseignements litigieuse.

On ne peut qu'approuver le bon sens de ce jugement où le Tribunal donne en réalité plein et entier effet aux garanties accordées par le législateur aux contribuables confrontés à l'action administrative.

Dorothee Danthine

Auteur : Dorothée Danthine
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