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Auteur : Melanie Daube

Affectation professionnelle en contradiction avec les stipulations du contrat de bail

Il arrive fréquemment que le contrat de bail signé entre un propriétaire et son locataire prévoie l’interdiction que le bien immobilier soit affecté à un usage professionnel.

Le propriétaire n’est cependant pas toujours informé que le locataire, en dépit des clauses du contrat de bail, affecte néanmoins une partie (voire l’intégralité) du bien immobilier à usage professionnel, et postule, dans sa déclaration fiscale, à une déduction, au titre de charges professionnelles, de tout ou partie du loyer qu’il paye.

Cette affectation professionnelle, réalisée en contravention avec les stipulations du contrat de bail, peut toutefois avoir des conséquences fort fâcheuses dans le chef du contribuable propriétaire.

En effet, le propriétaire est imposé sur base du montant total du loyer et des avantages locatifs lorsque le bien est affecté à une activité professionnelle par le locataire, alors qu’il n’est imposé que sur base du revenu cadastral – nettement moins élevé que le loyer – lorsque le bien immobilier est donné en location à une personne physique qui ne l’affecte ni totalement, ni partiellement, à l’exercice de son activité professionnelle.

Par ailleurs, en présence d’une affectation partielle à l’activité professionnelle du locataire, l’administration soutiendra généralement, à défaut de contrat de bail enregistré, que l’imposition doit avoir lieu, pour le tout, sur base du loyer réel et des charges locatives.

La « sanction » de la violation de l’interdiction d’affectation professionnelle des lieux loués sera en ce cas encore plus lourde dans le chef du propriétaire, qui, la plupart du temps, ne sera mis au courant de l’indélicatesse de son locataire que par l’intermédiaire du redressement fiscal qu’il subira.

Une abondante jurisprudence s’est développée quant à la question de l’incidence d’une affectation professionnelle donnée aux biens immobiliers par le locataire, en dépit des termes du contrat de location signé.

Le tribunal de première instance de Liège, par un jugement du 6 septembre 2007, a posé à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle ayant trait à cette problématique.

Dans l’espèce lui étant soumise, l’administration fiscale avait rectifié la situation fiscale d’un contribuable locataire, qui s’était abstenu de déclarer, dans ses revenus professionnels, des revenus d’une activité illicite. Après avoir augmenté la base imposable de ce locataire, l’administration fiscale avait procédé à la déduction des loyers payés par celui-ci au titre de revenus professionnels.

L’administration avait par la suite imposé le propriétaire sur base des loyers réels, et non sur base du revenu cadastral, en dépit des stipulations du contrat de bail, qui interdisait une affectation professionnelle des lieux.

La question préjudicielle posée à la Cour constitutionnelle avait pour objet de déterminer s’il était ou non discriminatoire de traiter identiquement le propriétaire qui consent un bail sur un bien affecté par le locataire à son activité professionnelle en toute connaissance de cause, et celui qui consent un bail sur un bien dont il est stipulé qu’il ne peut être affecté à aucune activité professionnelle, dans l’ignorance qu’une activité (de surcroît délictueuse) pourrait y être exercée par son locataire.

Après avoir rappelé que la taxation sur la base de revenu cadastral ne constituait qu’une dérogation au principe de taxation sur la base des revenus réels, la Cour constitutionnelle a précisé, par un arrêt du 27 mai 2008, que cette dérogation ne vaut que pour les cas limitativement énumérés.

La Cour a ensuite considéré que, dans le système de taxation des revenus immobiliers provenant de la location, c’est l’activité professionnelle réellement exercée dans les lieux loués qui constitue le critère déterminant afin d’apprécier si la taxation doit avoir lieu sur base du revenu cadastral ou sur base du loyer réel et des avantages locatifs, indépendamment du fait que cette activité viole une clause contractuelle du bail ou que l’activité professionnelle constitue une activité illicite.

La Cour constitutionnelle a également décidé qu’une taxation sur la base du loyer et des avantages locatifs, en raison de l’activité professionnelle réellement exercée, se limite finalement à prendre en considération les revenus immobiliers qui sont réellement perçus, de sorte qu’une telle taxation ne peut être considérée comme disproportionnée (puisque c’est précisément la taxation du revenu cadastral fixé forfaitairement qui constitue une dérogation au principe de réalité en droit fiscal).

Revenant toutefois sur les faits de la cause, et principalement sur la circonstance que c’est l’administration qui avait déduit les loyers des revenus professionnels du locataire, la Cour a considéré qu’une telle taxation du propriétaire, sur base des loyers et avantages locatifs, n’était pas justifiée, au regard de l’objectif poursuivi par la disposition en cause, lorsque la déductibilité des loyers et charges locatives, dans le chef du locataire, a été opérée par l’administration fiscale elle-même.

Si dans l’espèce concernée, la Cour a conclu à la violation de la Constitution, l’on déduit toutefois de la motivation de l’arrêt que le principe de la taxation du loyer réel dans le chef du propriétaire, dès qu’il y a affectation professionnelle des lieux par le locataire (et donc, même en violation des stipulations du contrat de bail signé, et même si le propriétaire ignore cette violation), n’est pas condamnable en soi.

Auteur : Melanie Daube
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