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Cotisation spéciale et droits de l’homme

Une agence de mannequins pour la publicité n’avait pas établi de fiches individuelles ou relevés pour les revenus octroyés aux mannequins auxquels elle a fait appel.

A la demande du fonctionnaire taxateur, elle avait établi ces fiches et relevés, mais elle avait fait l’objet d’une cotisation spéciale sur commissions secrètes, établie d’office pour défaut de réponse à une demande de renseignements.

L’agence de mannequins demanda à la cour d’appel de Bruxelles d’exercer un contrôle d’opportunité en ce qui concerne l’application de cette sanction fiscale dans son chef, et de constater le caractère disproportionné de la sanction qu’elle représente.

Sa demande de suppression, ou à tout le moins, de modération de la cotisation spéciale, était fondée sur les éléments suivants:

  1. l’agence n’avait pas fait l’objet d’une cotisation spéciale antéri- eurement,
  2. la nature professionnelle des revenus attribués aux bénéficiaires, mannequins occasionnels appelés pour des prestations ponctuelles, n’était pas certaine et incontestable,
  3. la pleine collaboration de l’agence dans le cadre de la procédure administrative, et notamment la production de fiches et relevés à la demande de l’administration,
  4. la production de ces fiches et relevés dans un délai permettant encore à l’administration de procéder à des vérifications et d’une éventuelle taxation dans le chef des bénéficiaires.
La Cour d’appel de Bruxelles donne gain de cause à l’agence de mannequins. Son raisonnement est le suivant.

La cotisation spéciale présente, comme le rappelle la Cour, un caractère indemnitaire, en ce qu’elle vise à indemniser l’Etat de la perte de l’impôt et des cotisations sociales qu’on suppose éludés sur la dépense non justifiée.

Elle a également le caractère d’une sanction et, dès lors que la cotisation spéciale a un caractère répressif et dissuasif, la sanction de la cotisation spéciale a un ca- ractère pénal tel qu’interprété par la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

Or, dans la mesure où la cotisation spéciale constitue une véritable sanction, rien de ce qui relève de l’appréciation de l’administration ne doit échapper au contrôle du juge.

La Cour relève à cet égard qu’en dépit de la rigueur que paraît imposer le texte légal, l’Etat belge se reconnaît le pouvoir de ne pas appliquer la cotisation spéciale sur les montants repris sur le relevé 325.10, lorsque les contrôles compétents ont été mis en possession des fiches tardivement mais assez tôt que pour rétablir les impositions corrélatives des charges postulées.

La Cour en conclut que les exigences de la Convention des droits de l’homme impliquent que le juge doit avoir, à tout le moins, le même pouvoir d’appréciation que celui que s’est attribué l’administration.

Par tant, au vu des circonstances spécifiques du cas d’espèce, la Cour d’appel supprime la cotisation spéciale.

Cette décision, qui doit assurément être approuvée, nous semble importante dans le cadre de la problématique de la cotisation spéciale, à propos de laquelle le texte légal a toujours paru à ce point rigoureux (comme le dit la Cour) que nul n’osait en appré- cier, non seulement la légalité, mais aussi l’opportunité.

Le lecteur appréciera sûrement la précision formulée par la Cour selon laquelle, s’agissant d’une sanction, « rien de ce qui relève de l’appréciation de l’administration ne doit échapper au contrôle du juge ».

Auteur : Pascale Hautfenne
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