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L’administration ne peut contraindre le contribuable à répondre à une demande de renseignements par la voie d’une action judiciaire

La Cour d’Appel de Bruxelles a rendu le 5 janvier dernier un arrêt dont il ressort que le juge ne peut ordonner à un contribuable de répondre à une demande de renseignements qui lui est adressée par l’administration sous la menace d’une astreinte de 1.000 EUR par jour de retard.

Dans cette affaire, une contribuable avait reçu une demande de renseignements de l’administration sur pied de l’article 316 du CIR 92 à laquelle elle avait refusé de répondre en se retranchant derrière son droit au silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination en raison notamment du fait que cette demande était sous-tendue par un dossier pénal contenant une inculpation à sa charge du chef de blanchiment d’argent. La demande de renseignements adressée à la contribuable l’informait pour le surplus qu’au cas où elle ne donnerait pas de suite à la demande de l’administration, elle risquait de tomber sous le coup d’une taxation d’office et pouvait se voir infliger des amendes administratives et des sanctions pénales pour infraction à l’article 316 du CIR 92.

Cette demande de renseignements portant sur les mêmes éléments qu’une demande d’enquête adressée par les autorités judiciaires belges aux autorités suisses et dont le résultat avait conduit à l’inculpation de la contribuable.

Face au refus persistant de la contribuable de fournir les informations requises, l’administration décida de la citer devant le Tribunal de Première Instance de Bruxelles en vue de « l’entendre condamner à répondre, dans les 48 heures de la signification du jugement à intervenir, à la demande de renseignements » ainsi qu’à « l’entendre condamner au paiement d’une astreinte de 1.000 EUR par jour de retard ».

En première instance, l’administration fondait sa demande sur les motifs suivants :

  • l’obligation énoncée par l’article 316 du CIR 92 est une obligation légale qui doit être exécutée sans que le contribuable ait le choix de fournir ou non tout ou partie des renseignements demandés ;
  • l’Etat belge ne dispose d’aucun moyen pour contraindre le contribuable récalcitrant à exécuter ses obligations légales de sorte qu’il n’a d’autre choix que de recourir au juge pour sauvegarder ses droits.
De manière assez surprenante, le premier juge fit droit à la demande de l’Etat belge et rejeta ainsi la thèse de la contribuable selon laquelle l’administration commettait un excès de pouvoir en agissant par la voie judiciaire alors que la loi sanctionnait déjà l’absence de réponse à une demande de renseignements et qu’il n’avait dès lors pas d’intérêt à agir devant les instances judiciaires. Le premier juge écarta également l’argument de la contribuable tiré du droit au silence.

La contribuable, qui avait obtempéré au premier jugement en vue d’éviter de se voir infliger l’astreinte de 1.000 EUR par jour de retard en produisant les renseignements demandés, avait néanmoins interjeté appel à l’encontre du premier jugement.

Sur base des éléments ainsi communiqués par la contribuable, l’administration avait enrôlé des cotisations d’impôt supplémentaires et des accroissements d’impôt dans son chef.

Ces cotisations d’impôt supplémentaires résultaient d’une procédure de taxation d’office justifiée par le fait que la contribuable n’avait pas répondu dans le délai requis à la demande de renseignements.

En appel, le juge releva que le simple fait de la production des documents par la contribuable impliquait que la cause était devenue apparemment sans objet mais qu’elle n’était cependant pas totalement dépourvue de portée dans la mesure où elle avait une incidence sur la question des dépens ainsi que sur le sort des cotisations d’impôt enrôlées par la suite dans le chef de la contribuable « puisqu’il s’agit de déterminer après coup, si les renseignements et documents obtenus par le fonctionnaire taxateur en exécution du jugement entrepris ont pu l’être légalement ».

En l’espèce, le juge constata qu’avant que l’administration n’adresse sa demande de renseignements à la contribuable, le fonctionnaire taxateur avait déjà eu accès à des documents bancaires suisses relatifs à la contribuable qui avaient été saisis au cours d’une perquisition et qui avaient servi de fondement à des commissions rogatoires menées en Suisse ayant conduit à l’inculpation de la contribuable en question. Ces documents n’étaient toutefois pas susceptibles d’être utilisés en vue d’une taxation, en raison du prescrit de la convention internationale en la matière et de la décision du juge suisse.

Le juge d’appel a décidé que le fonctionnaire taxateur disposait, à l’époque des faits, de données largement suffisantes pour procéder à une taxation d’office dans le chef de la contribuable « sans automatiquement verser dans l’arbitraire » et que le pouvoir de l’Etat belge d’imposer la contribuable « n’était donc pas gravement menacé ».

La Cour d’Appel de Bruxelles en conclut que l’administration « n’a en réalité jamais saisi le premier juge d’une contestation relative à l’application d’une loi d’impôt susceptible d’être admise sur pied des articles 17 et 18 du Code judiciaire ». Or, en vertu de l’article 569, alinéa 1er, 32°, du Code judiciaire, « le tribunal de première instance peut uniquement connaître, en matière fiscale, qui relève du droit public, des contestations relatives à l’application individuelle d’une loi d’impôt ».

A juste titre, la Cour d’Appel de Bruxelles décida donc que le premier juge aurait dû se déclarer sans juridiction pour connaître de la demande de condamnation de la contribuable avec astreinte à répondre à la demande de renseignements qui lui avait été adressée par l’administration et réforma intégralement le premier jugement.

Auteur : Ronny Favel

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