La suppression de la déduction fédérale des intérêts pour les logements autres que la résidence principale constitue une véritable rupture dans la fiscalité immobilière belge. Cette mesure, issue de l’accord de la coalition Arizona, suscite de nombreuses interrogations quant à ses effets réels sur les investisseurs, les propriétaires et le marché locatif.
Jusqu’à présent, l’article 14, al. 1er, 1° du CIR permettait aux contribuables de déduire de leurs revenus immobiliers les intérêts des emprunts contractés pour l’acquisition ou la conservation d’un bien immobilier. Ce système de déduction offrait une réduction fiscale significative aux propriétaires bailleurs, facilitant ainsi l’accès à l’investissement immobilier.
Plus précisément, la déduction d’intérêts pouvait s’appliquer non seulement sur les revenus nets du bien immobilier concerné, mais aussi, sur l’ensemble des revenus fonciers perçus par le contribuable. Il était toutefois exigé que la dette ait été spécifiquement contractée à ces fins.
Cependant, le gouvernement justifie la suppression de cet avantage par la nécessité de redresser « un déficit budgétaire extrêmement problématique ». Le vice-Premier ministre a souligné que le gouvernement souhaite « inverser la tendance dans l’intérêt du pays et des générations futures ». Il a également insisté sur le fait « qu’une partie de cet effort devra être consentie par les épaules les plus solides, y compris celles qui tirent des revenus de l’immobilier ».
La disparition de cette déduction aura pour premier effet une augmentation du coût fiscal pour les investisseurs immobiliers, qui devront assumer la totalité des intérêts de leurs emprunts sans pouvoir les répercuter fiscalement. Pour les petits investisseurs, cette charge supplémentaire représente un choc financier majeur.
Cette réforme pose également un véritable problème de prévisibilité fiscale. Le ministre des Finances, Jan Jambon, a confirmé que cette suppression s’appliquera aux revenus de l’année 2025. L’une des critiques les plus récurrentes concerne son application aux crédits en cours. De nombreux investisseurs ont acquis un bien en tenant compte de cette déduction.
Pour compenser cette hausse de charges, les propriétaires seront tentés d’augmenter les loyers. Une telle hausse viendrait accentuer la pression déjà forte sur le marché locatif, dans un contexte où la demande excède largement l'offre dans plusieurs régions du pays. Plutôt que de favoriser les locataires, la mesure pourrait paradoxalement rendre l’accès au logement encore plus difficile.
La suppression de la déduction des intérêts s’inscrit dans une tendance plus large de réduction des avantages fiscaux liés à l’immobilier. Cette orientation pose une question fondamentale : l’État veut-il encore encourager l’investissement privé dans le logement locatif ?
Certes, la fiscalité immobilière doit être équilibrée et éviter les effets d’aubaine excessifs. Mais en supprimant un avantage crucial sans mettre en place de mécanisme compensatoire, le risque est grand de créer un effet désincitatif. Une telle politique pourrait décourager de nouveaux investissements et accentuer les tensions sur le marché locatif.
Plutôt qu’une suppression brutale, une réforme plus nuancée aurait été préférable. Le gouvernement aurait pu envisager une transition progressive, afin de permettre aux investisseurs de s’adapter. De même, des aménagements pour les petits propriétaires auraient été plus justes, afin d’éviter qu’ils ne soient les premières victimes de la réforme.
Une politique fiscale efficace devrait rechercher un équilibre entre la nécessité de lutter contre certaines niches fiscales injustifiées et la préservation d’un cadre incitatif pour l’investissement immobilier. En l’état, cette réforme apparaît comme une mesure trop brutale, mal anticipée et potentiellement nuisible à l’économie du logement.
Il reste à voir si le gouvernement ajustera le dispositif sous la pression des acteurs du secteur ou si cette suppression marquera un tournant durable dans la fiscalité immobilière belge.
Mahan SHOOSHTARI