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Prescription du faux en matière fiscale : le point sur la question

Dans nombre de dossiers fiscaux, il existe également en parallèle, un dossier pénal qui a souvent été ouvert à l’initiative d’une dénonciation de l’administration fiscale pour les motifs suivants : soit tenter de retarder in extremis, le sort de l’action fiscale, prête à être tranchée par le juge fiscal, soit contourner la limitation de ses pouvoirs d’investigation qui sont strictement réglementés par la loi, en cas de refus par le contribuable d’accepter un accord, impliquant en général d’accepter la position de l’administration fiscale sur le principe.

A noter également les deux effets particulièrement dangereux de cette coexistence de l’action pénale et d’une contestation fiscale.

D’abord, l’administration fiscale peut enrôler un impôt, dans un délai tout à fait exceptionnel, de 12 mois à partir du moment où l’affaire pénale a été définitivement tranchée (à savoir souvent plus de 10 ans, 15 ans, 20 ans après les faits). Dans ce cas il faut toutefois qu’il résulte expressément du dossier pénal, qu’une infraction a été commise, permettant sans investigation complémentaire, d’enrôler le contribuable (article 358 CIR/1992).

Ensuite, le risque que les coïnculpés, personnes physiques, soient tenus solidairement et pour la totalité, de la dette fiscale de la société qui ne serait même pas partie à la procédure pénale.

Si l’on rajoute aux effets des dispositions légales elles-mêmes, la thèse du Parquet en matière de prescription du « faux fiscal », on aboutit à une situation totalement kafkaïenne.

En effet, le Parquet tend à soutenir, en tout cas devant les juridictions d’instruction, que le faux fiscal ne commencerait à se prescrire qu’au terme de la procédure fiscale, à savoir lorsqu’un jugement définitif au fond a été rendu par les juridictions fiscales.

Cette interprétation aurait évidemment pour effet de rendre le faux fiscal totalement imprescriptible, dès lors qu’en vertu de la règle « le criminel tient le civil en état » (quoiqu’il est douteux que cette règle s’applique en matière fiscale, le juge fiscal a toujours la possibilité d’ordonner la surséance dans l’attente du litige pénal, ce qu’il a tendance à faire de manière générale), le juge fiscal doit attendre la décision pénale définitive.

Cela implique de toutes façons, à suivre cette thèse, que le jugement pénal sera rendu, avant même que le faux fiscal ne puisse commencer à se prescrire.

Heureusement, que ce soit les juridictions d’instruction ou les juridictions de fond à Bruxelles, celles-ci ont compris cette incohérence, et considèrent en général, se basant sur un arrêt de la Cour de cassation rendu en février 2007, qu’il leur appartient de déterminer quand l’usage de faux fiscal commence à se prescrire.

La commission d’un faux est un délit instantané, qui commence à se prescrire le jour où il est connu.

Par contre, l’usage de ce faux, va continuer à produire des effets jusqu’à soit la consommation du faux (le faux a produit l’effet pour lequel il avait été rédigé : par exemple se faire remettre des fonds en vertu d’une fausse reconnaissance de dette, ou encore lorsque l’impôt que l’on voulait éluder est enrôlé), ou lorsque le faux ne peut plus produire d’effet utile à savoir lorsqu’il ne peut plus tromper la personne qu’il avait pour but de tromper (en l’espèce l’administration fiscale).

C’est ainsi que les juridictions d’instruction et les cours et tribunaux ont décidé, et encore tout récemment aux mois de juin et octobre 2007, que l’usage du faux commence à tout le moins à se prescrire dès lors que l’administration ne peut plus être considérée comme trompée, et donc dès qu’elle le fait savoir au contribuable, ou dès que l’inculpé peut prouver que l’administration fiscale, a considéré que tous les documents étaient simulés, faux, qu’elle n’y prêtait aucune foi (en général à la date de la dénonciation par l’administration fiscale des faits au Parquet, de l’avis de rectification, d’un rapport établi par l’administration fiscale, d’un procès-verbal en matière TVA, etc…).

C’est ainsi que de nombreux dossiers, purement fiscaux il faut bien le reconnaître, sont régulièrement déclarés prescrits, et on pensera notamment principalement aux dossiers RDT, QFIE, sociétés de liquidité,… pour lesquels les faits remontent à plus de 15 ans, lorsque l’affaire est prise devant les juridictions d’instruction pour le règlement de procédures, à savoir pour décider si l’instruction est complète, et s’il y a suffisamment de charges pour renvoyer l’inculpé devant les tribunaux correctionnels.

Le Parquet persiste néanmoins, en tout cas à l’encontre des décisions prononcées par la Chambre des mises en accusation, à se pourvoir en cassation, à l’encontre de ces décisions constatant la prescription acquise, alors que de manière générale le Parquet semblait s’incliner devant les décisions rendues dans le même sens, par la Cour d’appel (11ème chambre).

On restera toutefois particulièrement attentif aux décisions que la Cour de cassation sera amenée à prononcer prochainement dans ce type d’affaires, dès lors que sa jurisprudence n’est guère aisée à interpréter, et sujette à de nombreuses confusions en la matière.

A suivre donc…

Auteur : Muriel Igalson

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