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Gestion normale du patrimoine

Le tribunal de première instance de Bruxelles a eu à connaître récemment d'une affaire concernant le directeur d'une banque - qui était en même temps administrateur de celle-ci - qui avait acquis auprès de la société-mère de la banque, des actions représentatives du capital de cette dernière.  Les actions  avaient été acquises moyennant un prix conforme à la valeur vénale des titres, pour le paiement duquel le contribuable avait recouru à l'emprunt.  

L'opération était intervenue dans le cadre d'un plan d'intéressement des dirigeants de la banque, de sorte que d'autres cadres de la banque avaient agi dans les mêmes circonstances.  Les actions représentatives du capital de la banque n'étaient pas cotées, et il était prévu que les cadres acquéreurs devaient conserver celles-ci pendant une période bien précise et relativement longue, sauf en cas de perte des fonctions exercées au sein de la banque.  Dans cette dernière hypothèse, la société-mère s'engageait à faire acquisition des titres à leur valeur vénale.

Quelques années après, la banque a été acquise par une société concurrente, et le contribuable a cédé ses actions à celle-ci, en réalisant une importante plus-value.

L'administration a taxé cette plus-value sur pied de l'article 90, 1°, du CIR, aux motifs que l'acquisition des titres n'avait pu être réalisée qu'en raison des liens professionnels qui unissaient le contribuable à la banque, alors qu' "aucun bon père de famille n'avait la possibilité d'acquérir de telles actions et dans de telles quantités".  Elle estimait en outre que les clauses contractuelles limitant la libre négociabilité des titres, le fait que le capital de la banque n'avait été ouvert qu'à un nombre limité d'administrateurs et de directeurs, et le financement du prix d'achat par emprunt constituaient autant d'indices d'une véritable spéculation.

Application de l’article 90,1° CIR : décision favorable au contribuable mais comme toujours dans cette matière les circonstances de fait sont déterminantes.

Par son jugement du 23 septembre 2005, le tribunal fait au contraire droit au recours introduit par le contribuable contre une telle taxation, en considérant que le plan d'intéressement laissait entrevoir un investissement rentable à terme, compte tenu de la bonne santé du secteur bancaire et plus particulièrement de l'entreprise concernée.  Le tribunal considère qu'un tel investissement est "par excellence" un investissement de bon père de famille, effectué dans le souci d'accroître ou de conserver un patrimoine familial.

Le tribunal constate en outre que si un financement a été souscrit par le contribuable afin de payer le prix des actions acquises, l'emprunt ne présentait pas, dans les circonstances de la cause, un risque démesuré de nature à transformer son auteur en un "spéculateur prêt à mettre en péril son patrimoine pour un espoir de gain plantureux".

L'abondante jurisprudence de ces dernières années laisse largement apparaître qu'une éventuelle taxation d'une plus-value sur actions réalisée par une personne physique est, avant tout, une question d'espèce.

L'intérêt de la présente décision réside sans aucun doute dans le souci du juge de ne pas se contenter d'une analyse in abstracto du bon père de famille, lequel, à suivre l'administration, n'aurait tout simplement pas l'occasion de participer à un plan d'intéressement des cadres supérieurs d'une entreprise, et ne pourrait jamais recourir à un quelconque emprunt en vue d'accroître son patrimoine privé.  C'est tout au contraire au terme d'une analyse très concrète de la situation du contribuable concerné que le tribunal écarte toute idée de spéculation dans le chef de celui-ci.  On ne peut que s'en réjouir.
Auteur : Martin Van Beirs

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